Mulan
4.4
Mulan

Film de Niki Caro (2020)

AVIS SANS DIVULGÂCHAGE


Depuis quelques années, Disney essayent des sortir de leur vision ethnocentrée de WASP en proposant toujours plus d'œuvres s'étendant au-delà des contrées occidentales.


Comme beaucoup de fans, j'attendais avec impatience l'adaptation live de leur film d'animation Mulan (1998), qui tire profit aussi bien de ses personnages (bien écrits, drôles, touchants) que de l'histoire (épopée épique, où des touches d'humour viennent égayer un récit pourtant très noir et grave en son cœur). La légende de Hua Mulan est l'équivalent de la légende de Jeanne d'Arc, c'est donc un pari très audacieux que de vouloir continuer à conquérir le marché chinois avec une nouvelle adaptation d'un emblème d'une culture dont la civilisation remonte au moins jusqu'au Ier millénaire av. J.-C. Disney ont clairement cherché à frapper un grand coup pour faire leur paon devant le milliard de spectateurs potentiel.


J'aurais adoré, comme la plupart, découvrir le film live au cinéma. La bande-son de la bande-annonce envoyait du très lourd (chapeau à l'équipe en charge des remix des thèmes principaux des B.O originales) et promettait une relecture intéressante du film d'animation, plus de que de la Ballade originale. Parlons aussi du casting de rêve, avec la magnifique Gong Li que j'ai découverte dans le sublime Mémoires d'une Geisha (2005), réalisé par Arthur Golden. L'absence des chansons ne me dérangeait pas, dans le sens où je trouvais que le récit, empli d'un esprit guerrier et de solennité, ne s'y prêtait pas autant que les plus légers La Belle et la Bête (2017) et Aladdin (2019).


Je n'ai suivi l'avancée du projet que d'un coin de l'œil, et c'est donc avec un regard frais et empli de curiosité que j'ai regardé le film. La culture asiatique, comme la culture scandinave, fait l'objet de mon admiration la plus sincère; et j'espérais vraiment y voir un hommage respectueux d'une civilisation riche et complexe, aux coutumes et aux vêtements à l'opposé de ce qu'on peut trouver en occident. En somme, je souhaitais vivre un voyage culturel, en plus d'un voyage cinématographique.


Ne m'y connaissant quasiment pas (voire pas du tout) à l'art du cinéma de manière technique, je ne vais pas essayer de faire la roue en tentant de faire passer des vessies pour des lanternes. Néanmoins, j'ai trouvé le montage étrange lors de la scène de la chasse au poulet, beaucoup de coupes de plans qui ne me semblaient pas franchement nécessaires, car n'apportant rien comme information visuelle au spectateur.
J'ai aussi été un peu dérangée par l'aspect décidément très carton pâte de beaucoup de décors (comme le vraiment très petit village de Mulan), c'est étrange cette sensation de tournage en plateau que je ressentais déjà fortement parfois devant La Belle et la Bête (2017). Non pas que cela soit foncièrement mauvais, mais il y a un relent de parc Disneyland quelques fois. Je ne saurais expliquer le pourquoi de cette sensation : problème d'éclairage, mauvaise gestion des paysages en images de synthèses ? Mauvaises incrustations ? Matériaux utilisés ? Le palais de l'Empereur est en revanche magnifique, avec cet or et la grandeur de la salle d'audience.
Je rejoins ce qui a été dit sur les paysages et effets spéciaux qui m'ont sauté aux yeux comme déjà foncièrement datés...l'on se demande comment cela est possible après leur prouesse technique du (Le) Roi Lion (2019). Aussi, le camp d'entraînement m'a paru bien vide en termes de population au mètre carré (?). Manque de figurants présents ? Les Chinois mettent le paquet concernant les figurants dans leurs propres films, m'enfin peut-être que c'est parce qu'ils ont plus de facilités financières et linguistiques de recruter sur place.


Les costumes m'ont paru très colorés, pas désagréables à l'œil, et très réussis. On sent la recherche derrière et le soin apporté à cet aspect. J'aime particulièrement la tenue de combattant de Mulan, le rouge va très bien à l'actrice. Liu Yifei ne m'a pas laissé de souvenir indélébile quant à sa performance (Lily James en Cendrillon restera toujours celle qui m'a le plus frappée en termes de qualité d'interprétation et d'appropriation du personnage), mais j'ai souvenir d'un jeu correct. Je trouve compliqué de juger du jeu d'acteurs non-occidentaux qui ont leurs propres codes et comportements (expressions faciales, mouvements...). Son côté souvent inexpressif ne m'a pas vraiment dérangée, les Chinois étant bien plus réservés que les Occidentaux dans leur expressions des sentiments. J'ai beaucoup aimé l'ajout du Phoenix en tant que tel, cette créature fait toujours son effet mystique, bien que cette version du Phoenix soit bien plus occidentale qu'orientale. La Sorcière était également un chouette ajout, porté par une formidable actrice. J'ai aimé le fait d'en faire une sorte de némésis de Hua Mulan, même si ça fait un peu redite Star Wars. Bon, le message "force aux femmes" est devenu un thème quasiment obligatoire pour les films grand public de ces derniers années, car sinon gare aux censeurs. Le Qi était une bonne idée à la base, mais là où le bât blesse, c'est la manière dont l'équipe l'a tordu pour en faire un pouvoir magique qui serait inné, ce qui casse un peu ce qui plaisait tant dans le personnage de Hua Mulan en 1998 : une jeune fille qui doit en baver pour arriver à sa consécration et se faire respecter dans un monde d'hommes. De plus, j'ai trouvé le message "forces aux femmes" assez bancal par rapport au traitement final de la sœur de Mulan, qui n'apporte de plus franchement rien (ou pas autant que ça aurait pu) aux dilemmes ou au récit. La sœur était très oubliable comme personnage.


L'hommage aux films d'arts martiaux est honorable, je dois avouer que je ne m'y connais pas trop pour pouvoir porter un jugement plus poussé sur la question. On peut saluer la tentative d'avoir voulu y incorporer des éléments de films chinois. Je dirais que j'ai senti tout le long du film une volonté de faire au mieux concernant la culture chinoise mais un manque de recherches poussées (notamment concernant les réactions émotionnelles, les rites, les mœurs), ce qui a malheureusement conduit le film à son échec en Chine. On ressent vraiment que l'équipe de production et de réalisation est constituée à 99% d'Américains WASP, là où il aurait fallu plus de diversité et d'inclusion. Il y a forcément des biais culturels qu'on ne peut pas dépasser. J'avais vu une vidéo montrant à quel point Disney se sont gourés sur certaines visions de la culture chinoise : https://www.youtube.com/watch?v=N3QKq24e0HM.


En un mot, Mulan (2020) n'est pas déplaisant. Je pense le revoir à l'occasion car je me souviens de bonnes scènes divertissantes et de moments touchants, où l'émotion transperce vraiment. Ce n'est néanmoins pas le tour de force que ça aurait pu être, notamment à cause de raccourcis scénaristiques parfois grossiers et des "trous" où il faut vraiment soutenir sa "suspicion consentie d'incrédulité" (opération mentale effectuée par le lecteur ou le spectateur d'une œuvre de fiction qui accepte, le temps de la consultation de l'œuvre, de mettre de côté son scepticisme).

GeaiMoqueur
4
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le 21 mars 2021

Critique lue 74 fois

GeaiMoqueur

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