My Little princess est tiré d'une histoire vraie, la vraie vie d'Eva Ionesco, la réalisatrice, devenue modèle photo et égérie porno chic, alors qu'elle n'était qu'une enfant, par une mère photographe aussi dérangée que toxique.
Dans le film, deux mondes cohabitent : d'un côté, il y a la réalité avec son cortège de règles, de contraintes et d'interdits (une grand-mère qui cadre, l'école, les assistantes sociales, la justice). De l'autre, le monde d'abord rêvé puis totalement fabriqué par Hanna, la mère ; une sorte d'univers baroque construit autour de la création où la morale peut être sacrifiée au profit de l'art ; un délire qui se libérer de toutes les règles. Pour Hanna, il y a la volonté de ne pas être comme tout le monde, comme tous ses ploucs comme elle dit et de ne surtout pas avoir une vie médiocre. Derrière, il y a un narcissisme et un besoin de reconnaissance absolus, réparateurs de blessures enfantines (vaguement évoqué dans le film...comme explication possible de sa folie).
Pour arriver à ses fins et devenir une photographe de renom, Hanna va utiliser l'image de sa fille, autant dire sa fille elle-même...Une sorte de vampire qui n'en a jamais assez. My little princess, c'est le passage pour Violetta d'un monde à l'autre, symbolisé spatialement par son passage entre l'appartement de la grand-mère (le monde réel) et, deux étages plus haut, la chambre personnelle de sa mère (le délire) ; une sorte de studio artistique au décorum religieuso-macabre entre baroque et gothique. Je l'ai dit, tout est fabriqué chez Hanna dans un esprit qui se veut proche d'une Marlène Dietrich décadente où le sexe (et la mort) a la place essentielle.
Entre enfance et âge adulte, entre réalité et délire, Violetta va devenir un hybride monstrueux : une lolita s'habillant de manière sexy, jurant comme un charretier, refusant toutes les règles (sauf celle de sa mère) et devenant dès lors un OVNI dé-sociabilisée au collège. Elle est une petite fille égarée dans une réalité pervertie, dans un milieu qui n'est pas de son âge, une sorte d'Alice aux pays des horreurs sans espoir de retour.
Les moments dérangeants sont finalement ceux où les deux univers cohabitent (réalité et délire) : dans la cour d'école, Anna obligeant sa fille à se déshabiller et à mettre une robe en dentelle, un vrai déguisement, au milieu de toutes ses camarades qui ricanent. Ou plus simplement, lors d'une séance photo, où avec un adulte, Violetta doit prendre des poses suggestives et déshabillées ; la réalité, une petite fille ; le délire, un création érotique qui veut lui faire jouer le rôle d'une adulte (alors qu'elle n'est qu'une petite fille justement).
La tentation pédophile n'est pas loin (avec toute une collection de personnages douteux qui peuplent le film), le proxénétisme non plus, Anna vendant les images nues de sa fille pour continuer à mener grand train. Elle ne vend pas le corps de sa fille mais son image. Mais même ici, Hanna atteint son intégrité physique et cela s'apparente à un viol moral ; une vraie réflexion sur la photo, l'art doit-il être forcément supérieur à la loi et à la morale ? (dans la vraie vie, la justice a tranché et a donné raison Eva Ionesco ; les photos de sa mère ont été assimilés à de la pédopornographie)
My Little princess, c'est aussi l'histoire d'une soumission puis d'une rébellion. Violetta devient petit à petit la créature de sa mère, qui la façonne suivant ses désirs et sa vision créatrice (elle est propriétaire l'image de sa fille, autant dire de sa fille elle-même). Mais dans un deuxième temps, Violetta se rebelle, refuse de poser et ne veut plus voir Hanna ; elle va même jusqu'à devenir délinquante pour être retirée de la garde de sa mère. Les cheveux sont ici l'indicateur des rapports entre Violetta et sa mère. Encore sous influence de sa grand-mère, c'est-à-dire petite fille, elle arbore des nattes que sa mère va se faire une plaisir de défaire. Vient ensuite la période de soumission à sa mère avec des longs cheveux blonds ou des frisettes de caniche platines. Puis vient l'heure de la rebellion qui trouve sa plus belle expression dans les cheveux que Violette se coupe court (elle troque ses robes haute couture sexy pour une serpillière transformée en gilet). Violette choisit de ne plus être la poupée de sa mère pour retrouver sa propre personnalité dans toute son intégrité.