On excusera par avance mon indulgence dans la notation : je confesse un certain excès dans le barème que j'applique mais voir porté à l'écran une partie de son enfance ne pousse pas forcément à l'objectivité, vous en conviendrez aisément.


My skinny sister est donc ce film-miroir dans lequel je vois projetée sur l'écran la petite fille boulotte, gourmande, émotive, complexée et insolente que j'étais dans la première partie de ma vie. Littéraire, aussi, et rêveuse. Bref, cette petite Stella aux joues rondes, boudinée dans ses tenues trop voyantes, mal à l'aise dans son justaucorps dans le vestiaire, lançant des regards par en-dessous aux autres filles forcément plus minces et plus belles : ça m'a fait tout drôle de voir ce bout de passé au cinéma. L'identification fut totale, jusque dans les moindres anecdotes.


J'étais d'autant plus émue de voir ce film que je n'avais pas franchi le seuil d'une salle obscure depuis près de 3 ans : la rareté du moment rendait crucial le (bon) choix du film.


Je suis très heureuse d'avoir vu cette petite pépite suédoise d'une douceur, d'une finesse et d'une délicatesse absolues, qui a fait perler des gouttelettes au bord de mes paupières dès les premières minutes. La musique qui accompagne ce drame indépendant participe de l'émotion qui se crée - classique, avec parfois des accents électro très contemporains : elle m'a parlé immédiatement.


L'image est également particulièrement belle : la caméra veloute visages et gestes, floute leurs contours, comme pour adoucir la réalité, rendre moins incisives ses aspérités (bien rendues par le tranchant des patins sur la glace). Au plus près du grain de peau, des yeux, des mains, des cheveux : ce film déborde d'une sensualité tendre qui m'a bouleversée.


Car c'est bien de sensualité qu'il est question ici - en plus de la thématique centrale de l'anorexie - de notre rapport au corps, le volume qu'il occupe dans l'espace, la fluidité gracieuse ou non de nos mouvements, le désir qu'il suscite, la séduction qu'il opère sur l'autre. My skinny sister nous parle aussi de jalousie - et de son versant opposé, l'admiration - de volonté, de plaisir, d'amour et de détestation - et de comment tous ces sentiments peuvent coexister et se bousculer en nous simultanément. Toutes ces questions, au fort renvoi autobiographique, m'ont profondément renversée.


J'ai aimé le traitement tout en pudeur et sans pathos de cette si délicate période de l'adolescence, ce temps de tous les dangers qui fait apprendre la vie et les autres et nous modifie si durablement. La relation à la famille est aussi particulièrement bien vue, toute en réalisme et sans excès : une manière d'authenticité très touchante qui suscite l'attachement pour les personnages.


La mise en scène est d'une grande intelligence et démontre une forte sensibilité du réalisateur pour le face-à-face les yeux dans les yeux. Son empathie pour ses acteurs est tangible et ceux-ci le lui rendent bien en donnant le meilleur - et le plus naturel - d'eux-mêmes dans ce film.


Vous l'aurez compris : pour moi, ce film est une réussite et, même si mon jugement est un peu biaisé par le dialogue très intime que j'ai pu avoir avec lui, je pense qu'il saura émouvoir et toucher bien des spectateurs par son esthétique poétique et sa finesse psychologique.


Allez-y et dites-moi !

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le 31 déc. 2015

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