Once upon a time in the East
Les premières images du film laissent présager d'un film en mode burlesque, avec une pendaison ratée, dans un pays qui se cherche, le Kurdistan, nouvellement indépendant et tâtonnant dans l'exercice du pouvoir.
Cependant, le regard grave, sombre, sergioleonien, posé par korkmaz aslan sur cette scène nous sort assez vite de ce qui aurait pu être une redite de son précédent film, un petit bijou de loufoquerie, si tu meurs, je te tue, tourné dans le quartier de la gare du Nord à Paris.
Ici, Hiner Saleem retourne au Kurdistan, dans des montagnes glaciales et arides à la frontière turque. L'ambiance, aidée en cela par le choix de la musique, et un peu aussi la dégaine des personnages, est celle d'un western, avec la même volonté d'étendre l'ordre et le respect de la loi vers des outlaws qui se croient tout permis...
Baran est donc ce représentant de la loi, venu dans ce territoire isolé pour fuir sa mère, désireuse de le marier à la première célibataire venue. Son intégrité fait tache dans un monde qui fait allégeance au "Seigneur des montagnes", à coup de corruption, à tel point que par moment, il a l'air hors-sujet.
Ce faisant, il rencontre Govend, interprétée par la belle Golshifteh Farahani, déjà héroïne de Si tu meurs..., passionaria de la cause des enfants dans ces montagnes. Seule fille parmi une bonne dizaine de frères, elle aussi s'exile dans ce patelin, pour fuir les convenances, le mariage plus ou moins forcé, son âge de 28 ans étant pour sa famille une limite très haute pour qu'elle puisse continuer de vivre seule et respectable, plutôt que de s'épanouir dans la musique qu'elle affectionne et un métier d'instit qu'elle adore.
Vu de notre point de vue occidentalo-normé, la rencontre de ces deux solitudes peut paraître convenue, voire un peu niaise. C'est pourtant bien là que réside la force de la narration, dans la capacité de Hiner Saleem à nous montrer l'attirance, le désir même, entre ces deux personnages, sans que vraiment un mot ni un geste ne soient échangés, à peine un regard plus appuyé de ci de là... Peut être que les actes de bravoure réalisés par l'une (refus du conformisme, Govend accepte l'hospitalité de Baran en dormant sous son toit quand elle découvre qu'on lui refuse ) et l'autre (opposition systématique au mafieux des montagnes, Aziz Again, avec des moyens quasi-inexistants), peut être que ces actes sont leurs seuls moyens d'exister aux yeux de l'autre...
La mise en scène de Hiner Saleem est assez classique et sobre, mais suffit à le rendre crédible, du point de vue western ou pas.
Ce n'est certes pas un très grand film, ni même aussi drôle qu'on aurait pu le croire, mais défendre la femme tel qu'il le fait dans un tel pays de traditions et de machisme, ça mérite un 8 de ma part...