Epopée à costumes feuilletonante, le morceau est conséquent- plus de 4h- mais loin d'être bourratif. Ici Raoul Ruiz, pratique un baroque épuré, qui repose essentiellement sur des angles inhabituels de prise de vue et surtout sur le plan séquence chaloupé dans l'élégance constante de ses mouvements d'appareil. Il parvient ainsi à développer un espace-temps sinueux qui mue en permanence, comme autant de fils qu'on tirerai l'un après l'autre, s'entrecroisant, se confondant dans une dynamique perpétuelle.


Et c'est tout à fait délicieux, car on est ainsi toujours mis en attente du fil qui découvrira en un mouvement les fameux mystères. Et cela au sein du plan même, qui n'est jamais une structure fixe mais qui, dans sa rotation, inverse sans cesse les situations, les rapports de force, la tonalité même de la scène, voire le genre cinématographique, tout cela donc, dans la continuité.


Ainsi va l'intrigue, peuplée de personnages doubles, triples (théorisée au maximum par le personnage du prêtre incarné par Adriano Luz), qui n'en finissent pas de revenir, toujours sous un nouveau jour, un nouveau statut et de tirer les fils qui les lient à ce qui pourrait être le personnage principal, d'abord inconnu à lui même et qui découvrira le programme mystérieux de son existence.
Il faut voir comme la caméra dévoile sans cesse des personnages d'abord hors-champ, ce qui donne l'impression que tout est toujours observé, sous un oeil protecteur ou menaçant, laissant ainsi planer le doute jusqu 'à la coupe.
Ce qui est beau c'est qu'ainsi, chaque personnage, aussi horrible fut-il, est amené à être pardonné, il est sans cesse rétabli dans son ambiguïté et son humanité. Ce qui pour les acteurs offre un panel de jeu très large, multilingue, parfois à la limite de la fausseté (ce qui accentue l'étrangeté du film).


Un film qui laisse hagard dans une spirale vertigineuse où les lacets se sont bouclés dans une parfaite cohérence, donnant l'impression persistante d'avoir achever le partage au long cours des vies de ces êtres mystèrieux. Le souvenir indélébile de la fascination.


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le 3 juil. 2011

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