Ce film fut pour moi un véritable paradoxe. Pourquoi ? Pour plusieurs raisons.
La première est que je l'ai trouvé à la fois « super » et « soporifique ». Je m'explique : ce film est super, à voir absolument, que ce soit pour son exercice de style qui sort vraiment de l'ordinaire et démontre d'un travail de titan, les images rendant de plus le texte / les paroles encore plus forts. C'est également ce même récit qui donne un grand intérêt à cette création, mais je vais y revenir.
Etonnamment, c'est ce même exercice de style, tenu d'une main de maitre du début à la fin, qui rend le tout soporifique. En effet, 75mn de documentaire photos rythmées uniquement par une voix monocorde poussent à la monotonie, à l'endormissement.
Fort heureusement, l'histoire, photographie d'un instant de vie d'un narrateur omniscient, montrant pourtant un banal quotidien, est des plus prenante (mais pas seulement : j'évoquerais ensuite le second paradoxe que le film m'a provoqué), que ce soit par le fond ou par la forme. Je ne suis pas du genre à faire le parallèle entre un personnage et moi, mais ici, ce fut le cas. L'oeuvre s'y prête, reconnaissons-le, puisqu'elle nous propose de voir par les yeux du personnage, qui de plus donne son ressenti, fait part de ses sentiments.
Et je me suis identifié à lui car je pense vraiment comme lui concernant ce monde qui ne tourne plus rond depuis un moment. Cette critique n'est pas là pour parler de moi, mais le fait de passer plusieurs mois au chômage, à s'abrutir sur une de ses passions, à avoir des problèmes financiers, à vendre une partie de sa collection histoire entre autre de faire du tri et de tuer le temps à faire et envoyer des colis, à ressentir comme une victoire à réaliser une tâche finalement bien banale, à avoir un sommeil qui a perdu toute cohérence, à ressentir les effets négatifs de tout cela et ne surnager que par les visites des inéluctables amis … bref, quand tout cela fait écho en moi bien au delà d'une vision commune, forcément, le sujet tend à me parler davantage. La passion morbide n'est certes pas la même, l'alcool et la drogue ne sont pas mon crédo, mais tout cela relève de l'anecdote.
L'intérêt de cette parenthèse peut paraître futile, surtout que le film n'a pas besoin de cet effet miroir pour résonner en nous. Mais elle me permet d'introduire un second paradoxe. En effet, avoir cette impression de se regarder en face, sans artifices, de voir que ce moment de notre vie est un où nous sommes le plus abimé, n'est pas non plus très agréable et va à l'opposé de ce lien qui se crée. Une relation fusionnelle avec cet anti-héros tout autant qu'une désunion affective. Prenant donc. Félicitations.
Un titre juste, qui explique que si ce n'est pas la joie, on peut aussi se concentrer sur la partie pleine du verre, que tout cela est relatif et éphémère. « Ne croyez pas que je hurle » est une œuvre à ne pas manquer, riche d'intérêts de bout en bout et qui pourtant souffre de longueurs. Difficile à noter. Un grand film pour une note moyenne, ultime paradoxe concluant cette critique.