Non, je n'ai pas trouvé le film ennuyeux. Il se laisse regarder. Roeg, avec son style arty mais inventif, sa photo facile mais pleine de goût, sa science très sûre de la déconstruction intriguante fait ce qu'il faut pour ça. Mais il est sous.


Sous-Hitchcock (Vertigo), sous-Visconti (Mort à Venise), sous-Argento (Profondo Rosso), sous-Daphne du Maurier et sa nouvelle éponyme - je concède n'avoir vu aucun rapport avec Rosemary's baby. On dirait un mix avec des samples. Extended. Premier film anglais de tous les temps pour Time Out ? Sérieusement...


Ce mix capricieux m'a procuré le genre d'agréable désorientation qu'on peut éprouver quand on joue à cache-cache, et qu'on vous fait tourner plusieurs fois, les yeux bandés. Pas plus. Alors que dans la nouvelle de Daphne du Maurier, le sentiment de culpabilité du père est le centre et l'enjeu du récit : c'est parce qu'il a inconsciemment désiré la mort de sa fille, trop aimée de sa mère, qu'il est intervenu trop tard, et c'est parce qu'il ne pouvait plus vivre avec ça qu'il a inconsciemment provoqué son suicide. C'est par culpabilité qu'il ne croit pas aux signes. De la tragédie de cet Oedipe inversé qui se crève les yeux par refus d'assumer, qu'a fait Roeg ? Un fil rouge, une thématique de l'oeil, une temporalité éclatée dont le spectateur, qui n'est coupable de rien (pas de ça en tout cas), ne peut comprendre le pourquoi... Et c'est ainsi que, sur le fond, la tragédie se déclasse en thriller à coloration fantastique.


Je ne trouve pas que Roeg soit un mauvais, loin de là. J'avais beaucoup aimé Performance, ses coussins, sa claustration, son magnétisme... son Mick Jagger. Mais c'est avant tout un formaliste. Peut-être aurait-il mieux fait de rester sur-directeur de la photo plutôt que de passer sous-réalisateur ? Sérieusement !

OrangeApple
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le 16 déc. 2016

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