5,25/10
Contrairement à tout ce que l’on pourrait croire le plus naturellement du monde, Neruda n’a rien d’un biopic ou d’un film historique. Pourtant, il porte bien sur le poète Pablo Neruda, il est bien réalisé par Pablo Larraín, l’homme derrière le très remarqué No (sur le référendum contre le régime de Pinochet), le très sérieux El Club, charge d’une rare virulence contre les prêtres pédophiles, et l’Église en général et Jackie sur Jackie Kennedy.


Il conviendrait sans doute en effet de définir Neruda comme une « farce historique » : de l’événement constitué par l’exil du sénateur-poète Pablo Neruda, communiste traqué par un régime chilien qu’il qualifie de fasciste après l’avoir soutenu, Larraín tire une histoire qui de son propre aveu n’a aucune vocation à la véracité. De nombreux personnages secondaires sont ainsi inventés, jusqu’à l’inspecteur poursuivant Neruda, incarné par Gael García Bernal, tandis que la fantaisie et le rocambolesque priment sur la narration politique.


Neruda raconte ainsi la traque clownesque d’un poète facétieux, s’amusant d’être à chaque étape de son épopée sur le point d’être capturé, par un inspecteur aussi ridicule qu’il est imbu de sa personne, si persuadé de sa grandeur qu’il nous gratifie en voix off de commentaires qu’il croit pénétrants, parfois lyriques ou épiques, alors que leur décalage avec les images montrées sont un ressort comique inattendu et efficace. Pour autant, ce n’est pas une simple comédie que signe Pablo Larraín. En s’éloignant de la réalité factuelle, il s’efforce de nous livrer un portrait plus fidèle du poète et du Chili, recherchant un poétique qui aurait plus de force qu’un factuel ne rendant honneur ni à la vie et au combat de Neruda, ni aux tourments de son pays.


Ce n’est ainsi pas pour rien que l’on entend si souvent « The Unanswered Question » au cours du long-métrage : de même que l’air de Charles Ives alterne deux voix, celle des questions et celle des réponses insatisfaisantes, Larraín mêle l’histoire et la fantaisie pour restituer un mystère humain irréductible à une seule tonalité.
https://cinemaeldorado.files.wordpress.com/2015/04/lettre94diff.pdf

XipeTotec
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le 20 août 2017

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