Un film qui fait probablement partie des inspirations de la série "Mad men", qui entame dans les prochains jours sa dernières saisons.

Passez la partie spoiler jusqu'aux prochains pointillés.
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Howard Beale, un présentateur de journal pour la chaîne UBS, récemment rachetée par un conglomérat administré par Franck Hackett (Duvall), annonce une semaine avant son dernier journal qu'il compte se suicider à l'antenne. La directrice des programmes, Diana Christensen (Dunawaye), convainc tout le monde de le garder, car ça fait monter l'audimat. Beale devient de plus en plus psychotique, et gagne à mesure des points d'audience, jusqu'à convaincre la foule de crier par la fenêtre "Je suis en colère, et je ne me laisserai plus faire". Le directeur de la section info, Max Shumacher (Holden), démissionne, mais a un béguin pour Diana, qui l'évince. Elle crée un nouveau show pour Beale. Jusqu'à ce que ce dernier provoque les investisseurs. Après une confrontation avec le propriétaire de la chaîne, qui l'accuse d'avoir bouleversé l'ordre naturel du monde (à savoir la circulation des capitaux), Beale devient virulent vis-à-vis du public passif. La chaîne décide de le faire supprimer par les protagonistes d'un autre show qui suit un groupe de terroristes.
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On retrouve la verve citoyenne de "Douze hommes en colère", avec ce constat déprimant et au fond chomskyen que les nations, mais aussi les individus, et partant la démocratie n'existent plus. Le personnage de Diana incarne cette obsession de la télévision pour la part d'audience, qui passe par un goût pour l'irrationnel, la transgression, la contestation au fond fort conventionnels. En contrepoint, le personnage de Holden, en vieux directeur de l'info viré et déprimé, fournit le point de vue du bon sens. L'écriture est brillante, avec un goût pour le monologue bien senti qui rappelle la tragédie grec et les débuts de Lumet. Toujours cette volonté pédagogique, optimiste au fond. C'est aussi un film où l'on sent un peu de l'atmosphère des années de plomb.

Et qui mieux que Lumet peut saisir dans leur quotidienneté, avec ce sens de l'universalité, ces gens perdus, détournés de leur vrai moi par le kitsch de la télévision ? Belle idée que ce plateau de carton-pâte, avec en arrière-fond un vitrail multicolore, sur lequel Beale, dont tout les responsables savent qu'il est psychotique, déclame des tirades enflammées contre la télévision, mais rayonne visiblement de savoir sa part d'audience. Avec son gimmick de fin qui consiste à tomber en pâmoison, comme un derviche tourneur. Audacieux et original, plus que ce à quoi on s'attendrait dans un film américain lambda.

Concernant la brochette d'acteurs, tous sont excellents mais encore une fois je suis soufflé par le talent de Faye Dunawaye. Quelle actrice américaine allie à ce point la classe et la variété de registre, avec, ce qui est si rare chez une actrice d'Hollywood, un don certain pour l'ironie ? Je suis subjugué, et dieu sait que le casting est pourtant millimétré. Au fond, il n'y a que Robert Duvall qui m'a un peu déçu, trop occupé à singer les tics d'un De Niro.

Au niveau formel, peu d'audace : comme toujours chez Lumet c'est le côté réaliste et efficace (qui n'exclue pas l"élégance) qui prend le pas sur le reste.

Il y a bien des films qui critiquent les médias. "Network" se démarque par une interprétation brillante et un goût pour le monologue didactique. Original et bien pensé.
zardoz6704
7
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le 4 avr. 2014

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zardoz6704

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