The Ninja War of Torakage est un film qui contient clairement tout ce que l'on peut attendre d'un film de Yoshihiro Nishimura, si vous avez déjà vu Tokyo Gore Police ou Helldriver, inutile de vous faire un dessin, cependant, il semble que Nishimura se soit dirigé dans une direction quelque peu différente de ses délires gores habituels. Ce film est différent de ses œuvres précédentes à bien des égards, mais il conserve tout de même sa signature, avec un goût toujours très prononcé pour l'humour absurde et les scènes sanguinolentes délirantes. Ce changement annonce-t-il un renouveau de qualité dans une carrière si particulière? C'est ce que nous allons voir...


Dirigeons-nous de suite vers un petit résumé du synopsis:


Situé dans un Japon médiéval fictif, le film suit un couple de ninja retraité depuis plusieurs années, Torakage (Saitoh Takumi) et Tsukikage (Haga Yuria), qui, après une vie au service d'un seigneur sadique, finissent par trouver le bonheur dans une vie de famille simple et paisible. Cependant, leur allégresse est bientôt interrompue lorsque leur ancienne maîtresse convoque le couple, et les force, en kidnappant leur fils, à obtenir un mystérieux rouleau d'or en possession d'un clan rival...


Un film de ninja réalisé par Yoshihiro Nishimura, voilà un pitch de départ qui pourrait annoncer une bonne dose de sang et de démembrements en tout genre, mais étonnamment, ce film présente très peu de scènes gore (toutes proportions gardées, il s'agit quand même d'un film de Nishimura). Bien entendu, le film commence tout de même par une scène de bataille avec tout ce que cela implique, des décapitations, du faux sang giclant par hectolitres, cependant, il semble que le réalisateur ait décidé de concentrer la majorité de la violence dans l'ouverture du film, pour partir vers un développement plus thématique et psychologique par la suite, ce qui est un choix fort puisque l'un des thèmes principaux du film se révèle être la famille. Étonnamment, le lien entre Torakage, Tsukikage, et leur fils est chaleureux et même poignant parfois. Même les blagues scatophiles lors des dialogues de famille se révèlent plus amusantes que gênantes, notamment grâce au personnage du fils, qui est parfaitement joué et développe immédiatement une forte empathie. Nishimura compense habilement le manque de gore par un sens de l'humour unique et étrange, développant une créativité illimitée et un sens de la narration qui a sérieusement évolué depuis ses précédents films, le rythme est ici plus rapide, plus fluide, se concentrant vers l'essentiel sans faire trop de chichis.


Globalement, c'est un film qui pourrait plaire aux amateurs de films de ninja de la vieille école, car il reprend le style de certains films des années 70-80, avec de l'action à foison, des gallons de faux sang déversés et des effets spéciaux volontairement ridicules, qui donnent au film une sorte de cachet Série B, semblable par bien des aspects au style du Tarantino des années 2000, et débordant de créativité.


En parlant de créativité, et plus particulièrement des scènes d'action, l'action de ce film semble subir une évolution à l'intérieur même de sa diégèse, on commence avec une utilisation presque excessive de trampolines, de cascades exubérantes, de découpage de bidoche et autres joyeux artifices. Mais lorsque la trame principale se met en marche, l'action subit un changement de ton complètement fou et hilarant dans son exécution. Généralement, l'action dans les films de Nishimura se compose principalement de personnages qui se rendent des coups, avec très peu, voir pas du tout de chorégraphie. Dans ce film, Nishimura a clairement changé la donne avec des scènes d'action jouissives et débordant d'imagination. Sans trop en dévoiler, on a des références à Iron Man, Jackie Chan, et une scène en particulier, qui ne ressemble à aucune autre, dont le principe consiste à surfer à travers les rues d'un village, en utilisant des cercueils comme des planches de surf. L'ensemble de ce délire est vraiment hilarant. Et même les CGI de mauvaise qualité ne sont en rien rédhibitoires, car l'ensemble s'inscrit dans un même ton absurde et second degré, y compris les tentatives d'humour salace, qui se révèlent pour la plupart intelligemment placées.


La distribution est assez intéressante, elle est composée majoritairement d'acteurs ayant déjà tournés pour Nishimura, dont Takumi Saito, qui incarne le personnage principal. Un acteur découvert il y a quelques années dans Vampire Girl vs Frankenstein Girl, et qui a roulé sa bosse dans de nombreuses productions de Série B ces derniers temps, il fait preuve d'un jeu convaincant dans ses scènes d'action et sa relation avec sa femme et son fils fonctionne parfaitement, ce qui est rare pour un film de ce genre. Yuria Haga fait un travail tout aussi bon dans les scènes de combat, mais présente surtout un jeu plus axé sur un humour risqué, qui fonctionne à merveille bien heureusement. Quand à Eihi Shiina, elle ne se contente pas de manger l'écran par sa présence, elle le dévore d'une seule bouchée avec son jeu spectaculaire et exubérant.


Outre la qualité de son acting et de ses scènes d'action, ce film possède également une direction artistique de haute volée, aussi convaincante que de nombreux classiques du genre. Notamment en ce qui concerne les costumes, magnifiquement conçus, développant un imaginaire empli de créatures humanoïdes étranges et de personnages sournois, dans l'ensemble, l'imagerie de ce film produit un spectacle agréable, se souciant moins de la profondeur scénaristique que de l'émotion procurée par son visuel.


Le sensation la plus étrange après le visionnage de ce film, c'est qu'il n'est pas aussi polarisant que le reste de la filmographie de Nishimura. Généralement, les films de cet auteur sont clairement l'archétype de l’œuvre que l'on aime ou que l'on déteste, sans réel nuance, en fonction de sa propre tolérance pour le gore et l'absurde. Mais ici, il semble avoir enfin trouvé un juste milieu, en produisant un métrage qui ne se contente pas d'être "juste" gore ou fun, mais qui possède une certaine ambition.


Dans l'ensemble, il s'agit clairement d'un must-see pour n'importe quel amateur de films d'arts martiaux de la vieille école et d'anime japonais, une œuvre qui a certainement le potentiel de devenir un nouveau film culte du cinéma japonais de Serie B. Une expérience très agréable qui fait penser que Yoshihiro Nishimura est peut-être en train de changer de statut, à l'image de Peter Jackson au milieu des années 90, en quittant la petite production de film gore pour partir vers une réalisation plus ambitieuse, et même si tout n'est pas encore parfait, ce film donne follement envie de voir la suite!

Schwitz
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le 18 nov. 2016

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