Pablo Larrain était jusque là un illustre inconnu pour moi. C'est en suivant l'excellente carrière de Gael Garcia Bernal que je suis venu à ce film d'auteur, présentant de réelles dimensions politiques, sociales et symboliques. Je ne reviens pas sur l'histoire du film, très bien résumée sur cette page. Je préciserai seulement que Larrain mélange habilement le vrai et le faux, puisque si le contexte et les grands traits des situations dépeintes sont vrais, le personnage principal de Saavedra est un héros de littérature. Et c'est là que l'oeuvre se nourrit de ses paradoxes. Le vrai, le faux. Voila ce qui est au centre du film.

Pas de bien ni de mal, mais des images, et mille façon de les montrer.
Le réalisateur a d'ailleurs opté pour une pellicule tout droit sortie des années 80 : format 4/3, filtre blanc, couleur partiellement superposées... On est d'abord surpris, mais le propos s'avère particulièrement juste quand on comprend qu'un tiers du film se compose d'images d'époque. Le tout est donc parfaitement cohérent, tant d'un point de vue visuel, sonore, et dans les objets de la vie quotidienne. Redonnant vie à un Chili plus que crédible : tangible. On touche la vérité.

Et pourtant c'est bien du cinéma : le sujet est entouré de symboles, de traitements subtils de personnages fictifs mais passionnants. Loin de films historiques pompeux, tentant de retranscrire mot pour mot les faits et gestes des grandes figures de l'Histoire ; ici, Larrain passe par des personnages touchants, jamais manichéens ; pour dessiner l'ébauche d'une vérité historique, ou plutôt d'un fragment de l'Histoire de son pays.

La vérité, le mensonge... De l'habileté des hommes à manipuler leur semblables au pouvoir des images. De l'attitude à adopter dans la dénonciation des dictatures. De la victimisation à l'espoir. De la campagne politicienne à la publicité. De l'opportunisme à l'engagement. Ce film à première vue modeste, porte pourtant en son sein autant de questions éthiques, politiques et sociétales qui imposent un respect immense pour ce réalisateur qui a visiblement tout compris. La fond et la forme sont en parfait accord, l'ouvre est imparfaite mais d'une infinie subtilité. On pourra reprocher quelques cadrages inégaux au début du film et des transitions pas toujours faciles. Mais cela ne nuit aucunement au film qui y gagne même une certaine dose de charme.

On assiste même à un pur moment de magie cinématographique quand sur la fin de la pellicule, alors que les matraques et les canons à eau font taire une manifestation pacifique, les gouttelettes d'eau projetées violemment sur le peuple chilien donne naissance à un arc-en-ciel dans l'objectif de Larrain. Le symbole du Non au référendum. L'instant incontrôlable ne dure que quelques centièmes de secondes mais marque les esprits : ce film nous a réappris à voir, à penser, à dénouer le vrai du faux, si tant est que nous en soyons capables.
WeAreTheCure
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 18 mars 2013

Critique lue 411 fois

1 j'aime

WeAreTheCure

Écrit par

Critique lue 411 fois

1

D'autres avis sur No

No
Sergent_Pepper
8

A l’heure où fléchit la campagne

Pablo Larain est désormais connu pour sa maîtrise et une certaine patte formelle qui le rendent apte à transcender les sujets qu’il aborde, et qui embrassent l’histoire du XXème siècle, de Neruda à...

le 27 août 2017

25 j'aime

2

No
PatrickBraganti
9

Anti Argo

Avec No, le chilien Pablo Larrain clôt sa trilogie consacrée à la dictature de Pinochet, de son avènement à sa chute. Une chute inattendue, qui doit beaucoup au hasard et au concours de circonstances...

le 11 mars 2013

14 j'aime

9

No
adamkesher01
7

No Pub

D'abord surpris par la vieillerie de l'image, on comprend vite la volonté d'uniformiser documents d'archives réels et fiction inspirée de l'Histoire. Et ça marche très bien. Gael Garcia Bernal est...

le 8 mars 2013

14 j'aime