Gare ! Qu’on remise intellos et petites natures, qu’on abandonne espoirs et velléités cérébrales… Voilà que redéboule Michael Bay, réalisateur es gros sabots débarrassé de Bumblebee et d’Optimus Prime qu’il se fadait quand même depuis sept ans. Fi donc des robots-moissonneuses-batteuses et de Megan Fox lookée comme une prostituée de Tijuana ; le grand échalas d’Hollywood, qui fait des films de bourrins (mais pas que) et que les critiques de la Terre entière conspuent les yeux fermés en allant se prosterner devant la sollicitude plombée et plombante de, par exemple, Christopher Nolan, vil baratineur opportuniste qui croit qu’il suffit de déclamer des sentences percluses de prétention ("Pour vaincre la peur, vous devez vous fondre en elle", "Si vous vous consacrez à un idéal, vous devenez tout autre" : lol) et de quelques explosions bouffies pour réussir un blockbuster soi-disant "intelligent", le grand échalas disais-je revient avec un film où il n’y a, cette fois, que des humains. Promis : pas un boulon extraterrestre en vue, pas un Shia LaBeouf à l’horizon.

Et encore, des humains… Plutôt des fous furieux de la fonte accrocs aux anabolisants et à la protéine en poudre, aux maillots sans manche et au fitness à gogo. Trois freaks bodybuildés avec deux neurones au compteur qui, soudain, décident de s’improviser kidnappeurs. Tiré d’un fait divers plutôt craspec avec tortures et démembrements à la clé, No pain no gain vise plutôt la comédie noire à la Fargo (auquel on pensera inévitablement) en laissant de côté les détails sordides (enfin presque) pour se concentrer sur les dérives sanglantes et pathétiques de trois décérébrés obsédés par un rêve américain de pacotille où il faut tout avoir.

Avoir le fric à flots, avoir la baraque cinq étoiles, la coke à volonté, la Lamborghini, une bimbo en string dans son lit et une super tondeuse à gazon. Sauf que derrière le cool assumé, le style clinquant et le fun débridé si caractéristiques de l’univers de Bay, No pain no gain affiche un constat assez terrible sur la bêtise humaine (même les victimes sont exécrables, du juif irascible et imbuvable au couple beauf blindé de thunes), la tentation consumériste et l’appât du gain, avec la chaise électrique comme point final. Rien de nouveau rétorquerons les pisse-froid (qui auraient crié au génie si ce n'était pas Bay aux commandes d'un tel projet), mais alors ne parlons plus de rien sous prétexte que tout a déjà été dit.

Plutôt que de se la péter moraliste docte et grave (suivez mon regard), Bay balance la sauce sans jamais se soucier des convenances (le film fait polémique en raison de son approche risible et caricaturale des faits, décriée par une des vraies victimes du gang), et pour cette façon inimitable qu’il a de confronter, de se coltiner la si vibrante vulgarité de son pays (pas étonnant que le film se déroule à Miami, city of the frime et of the millionnaires, et que Bay affectionne tant depuis ses deux Bad boys), pour cela donc, Bay mérite mieux que les sempiternels griefs et poncifs qu’on lui colle au cul depuis des lustres (clippesque, grossier, tapageur…).

Il faudra bien à un moment comprendre que Bay ne fait pas dans le premier degré (ni la dentelle), mais bien dans le dixième quand il s’amuse des clichés et d’une écriture cinématographique totalement décomplexée (Emmerich et Snyder devraient en prendre de la graine, eux qui ont raté leur dernier film). Comprendre qu’il critique, comme ici, une Amérique dont les convictions et les désirs ne sont que des chimères, perdus dans ses emblèmes les plus représentatifs que Bay n’hésite jamais à se servir jusqu’à la lie (jolies filles, dollars et voitures rutilantes), une Amérique basse du front obnubilée par l’argent et la gloire, le patriotisme et les armes. Et qu’il le fait surtout sans se prendre au sérieux, avec une énergie et un plaisir dans la réalisation qui se ressentent à chaque seconde. Oui, Bay en fait des tonnes, grossit le trait, force le mauvais goût (la scène surréaliste où deux de nos abrutis ramènent une mini-tronçonneuse pleine de sang et de cheveux au magasin sous prétexte qu’elle ne fonctionne plus), mais c’est pour mieux s’en contrefoutre finalement.

No pain no gain est du pur concentré Bay qui n’inversera aucune tendance : ceux qui le conchiaient le conchieront à nouveau, ceux qui lui trouvaient des excuses lui en trouveront davantage, et ceux qui le défendaient le défendront encore plus. Sans action, sans scènes spectaculaires et sans humour (trop) gras, Bay montre de quoi il est capable quand il s’agit de mettre simplement en scène un scénario plus classique sans forcément tout détruire sur son passage. Le film accuse un coup de mou en milieu de parcours jusqu’à ses vingt dernières minutes en roue libre (entre grand n’importe quoi, carnage outrancier et délire foireux), mais sait globalement tenir un rythme qu’on dirait sous stéroïdes. Porté par un Mark Wahlberg et un Dwayne Johnson parfaits en crétins musculeux, No pain no gain canarde les utopies criardes made in USA dans un joyeux bordel qui aurait oublié toute notion de subtilité. Et ça fait plutôt du bien.
mymp
7
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le 9 sept. 2013

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