Sometimes you eat the bear and sometimes...

Nocturnal Animals est une adaptation intéressante. Au départ, il s’agit d’un livre ainsi que d’une mise en abîme. Car oui, on se confronte à un bouquin dans le bouquin. Et, jusqu’à preuve du contraire, la littérature, c’est de l’écriture et non des successions d’images et toute la tambouille. Sauf quelques rares exemples comme Bruges-La-Morte, on est d’accord. On se demande alors comment va gérer le film ! Va-t-il aussi adopter la démarche et faire un film dans le film ? Eh non, y’a toujours un manuscrit donc le tour de passé-passé de l’original n’existe plus. C’est pourquoi l’adaptation est intéressante car elle propose un contenu visuel, sondant l’esprit d’Amy Adams qui sera en charge de lire ce livre. L’identité des acteurs dans ces images n’est donc pas anodine et cela amplifie ou remet en question la perspective du récit initial.


Au début, tout se passé bien. On sait que l’histoire originale vient d’Austin Wright et que Tom Ford est à la réalisation. Jake Gyllenhaal (qu’on a vu dans Donnie Darko, par exemple) se joint à la fête avec la déjà-citée Amy Adams ainsi que Michael Shannon. Rien né semble présager quelque chose de mauvais. C’est donc l’histoire de Susan qui est une petite bourgeoise, galeriste. Son mari la trompe alors que sa vie semble de plus en plus morne et fade. Ah bah, ça, le mariage, ça pardonne pas. Mais un jour, son ex-mari, un certain Edward quelque chose lui envoie le manuscrit de son bouquin qu’il lui dédicace. Que c’est trognon.
C’est alors que le film démarre ; la caméra laisse Susan tranquille pour se concentrer sur Tony qui part en vacances avec sa femme et sa fille. Inutile de bien réfléchir pour comprendre ce qui se passé, on voit ce que Susan lit ; c’est à dire, le manuscrit de son ancien jules. Mais si on y regarde de plus près, de ce qu’on sait, il n’y a que Susan qui l’a lu et qui le lit. Le film nous montre donc, visuellement, ce que la belle imagine en tournant les pages. Elle voit donc Jake Gyllenhaal a.k.a Tony avec une belle beubar. Ce que le livre original né pouvait montrer mais uniquement suggérer de par son propre format. La deuxième lecture prend alors son sens et apparaît encore plus pertinente ensuite.
Sauf que sur la route, comme un Bill Pullman dérangé, un gang local vient chercher des crosses à Tony. Plusieurs fois, la vidéo est violente et l’action repart brièvement sur Susan qui affiche sa stupéfaction. Les malabars font sortir Tony, emmène sa famille plus loin, le laissant dans le désert, prêt à clamser. Mais ce dernier né se démonte pas, il va vite appeler les gentils policiers et un inspecteur est chargé de l’enquête. Commence alors une longue traque où Tony apprendra à devenir à son tour un animal nocturne.


Bien entendu, l’histoire racontée dans le manuscrit n’a rien de croquant. On y voit un prétexte ! C’est une enquête, basée sur une rédemption intolérable voire inacceptable. Son épilogue demeure intéressante esthétiquement mais elle reste en retrait pour se consacrer sur la véritable timeline : celle de Susan. Durant toute la lecture de ce mystérieux manuscrit, cette dernière va se remémorer des moments passés avec l’auteur, Edward.
Sans surprise, c’est l’idée principale du film après tout, celui-ci est aussi incarné par le Gyllenhaal. Notons qu’il s’agit du seul acteur endossant deux rôles différents. C’est un détail non négligeable. Pourquoi ? Car Susan glisse à son ex, durant un flashback, qu’elle pense qu’il doit arrêter d’écrire sur lui-même, le pauvre essayant de devenir écrivain. Elle pense donc que c’est toujours le cas avec le manuscrit donc elle l’imagine à la place de Tony, voyant ça comme une semi-autobiographie de leur séparation. Elle voit donc Tony en Edward et Edward en Tony. Mais elle n’a que ce référentiel-ci donc il n’y a que Gyllenhaal qui joue deux protagonistes. CQFD. D’ailleurs, fait à né pas négliger : Edward n’apparaît physiquement à aucun moment, comme prévu. On né se focalise, inconsciemment, que sur Amy !
Les autres personnages du manuscrit né sont pas des fantômes purement fictif pour autant. L’inspecteur chargé de l’enquête, pour exemple, est atteint d’un cancer. Il fait savoir à Tony qu’il le lui a déjà dit sauf que ce dernier né comprend pas cela ; il lui demande d’ailleurs au policier de confirmer quand exactement ce dernier lui a fait part de ses soucis de santé. On peut alors voir ça comme une allégorie du litige entre Susan et Tony. Comme quoi, Tony n’a pas su écouter ni comprendre pourquoi leur relation se meurt, l’inspecteur poussant ensuite Tony à devenir méchant (pour né pas spoiler). Cette „méchanceté“ se ressent dans l’aspect vengeance, dénonciation, revanche que symbolise le fameux manuscrit.


Le manuscrit est donc un aveu autant qu’une injure à l’égard de Susan, Tony n’arrêtant pas de tomber, de descendre lentement vers les enfers comme on dit. Ce constat permet de voir que le film, par sa narration, demeure extrêmement bien construit. Chaque reflet entre le manuscrit d’Edward et la réalité de Susan est accueilli à l’avance pour rendre le tout cohérent, pertinent et délicieux. Rien né vient par hasard, tout est déjà prémâché par de petits détails, des petits dialogues qui permettent de mieux y voir dans ce que veut dire Edward à travers Tony. C’est un peu le principe du fusil de Tchekhov : chaque élément introduit doit être justifiable par la suite, il faut enlever le superflu et rendre l’ensemble relié correctement tels des nerfs à vif. Le manuscrit est la vision d’Edward que Susan imagine tandis que les flashbacks de cette dernière forment la sienne. On né cesse d’être dans son esprit, elle est la cible principale du réalisateur et du scénariste.
Au-delà de sa construction scénaristique exemplaire, le film affiche une jolie photographie soit sombre soit plutôt chaude durant les passages du manuscrit tandis qu’elle s’adoucit lorsque l’on aperçoit Susan. La musique n’est pas en reste non plus et, même si elle se fait assez discrète, reste tout de même appréciable. Les mélodies sont langoureuses et angoissantes à l’image des images, justement, que l’on a sous les yeux. Une bande-son plus appuyée aurait néanmoins été intelligente lors de certains passages. Quelques scènes, comme la rapide poursuite entre Tony et le gang, l’aurait mérité. L’action est déjà angoissante mais manqué d’un je-né-sais-quoi de plus pimenté, parfois.
En tout état de cause, quelques erreurs de montage peuvent aussi sembler étranges. Tom Ford n’en est qu’à son deuxième film mais voir Tony fermer la portière de sa voiture pour que sur le plan d’après, elle se mette à démarrer…! D’habitude, les gens cherchent leur clef, mettent ensuite le contact puis déboîtent. D’autres plans, assez rares (il faut le souligner), offrent la même incompréhension. Cela pourrait découler d’un style particulier étant donné que ce n’est que durant les phases du manuscrit que les occurrences s’additionnent. Peu importe, la raison de ces étrangetés reste étrange, c’est le cas de le dire.


En définitive, malgré quelques petites erreurs ainsi qu’une histoire, généralement, plutôt forte sans être détonante, Nocturnal Animals affiche une narration et une construction forçant le respect. On aurait voulu que certains aspects soient plus soignés comme les dialogues ou la musique mais le film demeure pertinent. Il nous amène là où il veut nous emmener sans faute, sans se perdre ni hésiter. C’est un véritable tour de force, quand on y songe ! L’aspect esthétique, son enveloppe empaquetée, son fond, pêche çà et là mais sa forme est irréprochable. Un film à voir, qui marquera sans rien révolutionner. Pour l’approche psychologique de son personnage, pour son scénario sincère et tangible qui né cherche pas à nous surprendre inutilement, Nocturnal Animals est à voir, bon dieu ! C’est déjà pas mal.


https://raton-lecteur.fr/critique-cine-nocturnal-animals/

Djokaire
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 19 sept. 2017

Critique lue 226 fois

1 j'aime

2 commentaires

Djokaire

Écrit par

Critique lue 226 fois

1
2

D'autres avis sur Nocturnal Animals

Nocturnal Animals
Velvetman
7

Lost Highway

L’écriture peut être une arme redoutable dans la construction machiavélique d’une vengeance. Il est vrai que le pouvoir de la plume a cette manie de faire resurgir en chacun de nous les pires...

le 14 janv. 2017

155 j'aime

9

Nocturnal Animals
mikeopuvty
4

Killing me softly with his book

Cher Edward, J'ai bien reçu ton bouquin de merde, et je l'ai lu en un rien de temps. Je suis restée sur le cul. 500 pages A4 pour raconter si peu, non mais c'est une blague ? T'as décrit tous les...

le 16 janv. 2017

93 j'aime

6

Nocturnal Animals
mymp
5

Ford discount

Vers le milieu du film, Susan, déambulant dans son immense galerie d’art, s’arrête soudain devant un tableau on ne peut plus flagrant : le mot revenge écrit en lettres blanches dégoulinantes sur fond...

Par

le 9 janv. 2017

90 j'aime

11

Du même critique

The Last of Us
Djokaire
1

La grosse déception de 2013.

Naughty Dog, c'était quand même pas rien. On nous avait offert le Bandicoot préféré des gamers pour ensuite balancer l'excellente série des Jak and Daxter avec l'inoubliable Jak 3 dont le scénario...

le 18 nov. 2013

21 j'aime

23

Un Français
Djokaire
7

Jeanne ! Au secours !

Je sors de l'avant-première, à l'Eden-Théâtre de la Ciotat. Une séance avec, notamment, la présence d'Alban Lenoir et Diastème. Le matin, Alban Lenoir me tweet qu'il reste encore des places pour...

le 31 mai 2015

16 j'aime

11