Malgré une réception plutôt enthousiaste, culminant avec le lion d'argent et le grand prix du jury à Venise, Nocturnal Animals nous semble trop poussif en dépit d'une entame prometteuse, la faute à des personnages peu vraisemblables, à des incohérences et à un scénario beaucoup moins osé que ce qu'il ne laissait présager.


Les premières images du générique où l'on nous montre à travers un montage parallèle des corps nus de femmes obèses et les entrelacs confus de bretelles d'autoroute nous semblent, au vu du reste du film, assez maladroit: certes, une certaine esthétique du laid captive l'attention, de même que celle froide et nocturne de la ville bitumeuse; néanmoins le rapprochement nous paraît incohérent, le seul sème commun étant les formes courbes et le mouvement lent, hideux et disgracieux. Ou le lien entre un film trop gras (on surligne les pistes pour faciliter la digestion - oups, la compréhension) et trop sucré (excès d'émotions) destiné un public qui n'aime pas l'effort mental. Nous préférons, sans aucun doute, cette dernière interprétation.


A l'image de ce générique, Nocturnal Animals se concentre d'abord et avant tout sur l'apparence, le paraître, en reléguant en arrière-plan l'être du film. Ainsi, la beauté des corps nus des personnages, même morts, est merveilleusement mise en scène, dans des cadres étonnants, avec des poses sensuelles et sous une lumière que d'aucuns photographes de mode envieraient. Par ailleurs, les tenues portées, la frivolité des personnages vains et cupides, le néant des galeries d'art, ... tout cela, symptôme d'une société du vide, est plus aguicheur qu'autre chose. Mais quel message derrière tout ça? Comment interpréter ce qui n'est qu'une coquille creuse?


Certes, on a loué le scénario, qui mêle les temporalités, ouvre des pistes et interroge le pouvoir des mots. Mais cela existe depuis plus d'un siècle déjà (ce n'est pas Proust qui le niera, ou plus tard Joyce ou plus tard Faulkner) et hasarder de ce fait une familiarité avec Lynch ne prouve que la limitation des références d'un public friand de sucreries mentales facile à avaler tant les deux cinéastes sont à des années-lumière l'un de l'autre - la déconstruction poétique du récit à travers le montage n'ayant rien à voir avec cet enchâssement narratif (l'histoire dans l'histoire), il est vrai pertinent pendant un moment, mais perdant son intérêt lorsqu'il cesse de jouer avec la frontière entre réalité et fiction.


La suite n'est qu'une plate intrigue hollywoodienne farcie de sentiments les plus forts, gratuitement offert au public jusqu'à ce qu'il en devienne accro et ne puisse décrocher de cette malbouffe émotionnelle. Donc un film à déguster pendant la digestion de quelques hamburgers tour en sirotant un bon litre de soda.

Marlon_B
5
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le 12 juil. 2017

Critique lue 160 fois

Marlon_B

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