Une relation amoureuse qui échoue, l'illusion de celle-ci, créée par un beau et charmeur jeune homme. Celui-ci n'a d'yeux que pour l'amour chimérique et inaccessible d'une mère, qu'il n'a jamais connu, qui l'a abandonnée pour le laisser à sa tante.
Dans son second long métrage "Nos Années sauvages", Wong Kar-wai dépeint avec justesse, beauté et élégie une jeunesse hongkongaise dans les années 1960.
Yuddy, est un jeune homme d'une vingtaine d'années, interprété par le regretté Leslie Cheung, narcissique et empli d'un besoin d'amour constant. Il va tout faire pour retrouver sa mère et retrouver son amour, un amour pur et filial qu'il n'a donc jamais entrevu.
Il va d'abord rencontrer une jeune femme, incarnée par Maggie Cheung, qu'il va s'efforcer de séduire grâce à son charme et charisme indéniable.
Le temps se dilate lorsque celle-ci rêve de lui, lorsque les deux se rencontrent, pour quelques minutes seulement, sur son lieu de travail; sa présence est hypnotique.
Elle en est d'abord gênée et réfractaire, mais elle va rapidement se trouver troublée en sa présence, jusqu'à donc rêver de lui; rêve annoncé au préalable par Yuddy et son narcissisme et sa confiance exacerbés.
Lorsqu'arrive la deuxième maîtresse, interprétée ici par Carina Lau, celui-ci paraît là encore plus désintéressé à mesure que son désir de retrouver ses origines grandit.
Yuddy va finalement (re)trouver sa mère, enfin où elle habite, aux Philippines, et dans un travelling avant au ralenti somptueux, le suivant de dos, les poings serrés et s'éloignant de la demeure de celle-ci, il va exprimer, au travers d'une voix-off, le dépit qu'il éprouve envers elle.
Et dans ce moment d'une puissance évocatrice et émotionnelle exceptionnelle, Yuddy ne voudra pas se retourner, n'ayant pas pu apercevoir le visage de sa mère, car celui-ci ne voudrait surtout pas lui faire le plaisir de lui montrer le sien.
Cette scène renversante de sens et d'émotion et d'une beauté picturale incroyable nous fait paraître l'essence même du film, voguant entre amour, désespoir, illusion, et même désillusion.
Yuddy ne quittera d'ailleurs pas les Philippines, il y mourra et y laissera la fougue de sa jeunesse, désormais disparue.
Mourant, dans un wagon, il voit un paysage défiler devant lui, des palmiers par centaines, comme un écho à l'ouverture du film, comme un écho à sa prime jeunesse, il les observe avec nostalgie. Et regret ?
Une fougue, une jeunesse meurt avec Yuddy mais une autre naît ou du moins se poursuit avec Chow Mo-wan (Tony Leung Chiu-wai), dans une scène finale annonciatrice du deuxième opus de cette trilogie, "In the Mood for Love".