Retour sur le premier long métrage de Romain Gavras, originalement auteur de clips musicaux ( et principalement connu pour le trip furax et ultraviolent mettant en images le Stress du groupe Justice ) et actuellement plébiscité par le public avec Le Monde est à toi ( l'un des grands succès de la Quinzaine cannoise 2018 ) : le joliment nommé Notre jour viendra, balade tragi-comique au regard cinématographique peu aimable mais difficilement discutable.
Reprenons : deux personnages désaxés, rouquins d'origine puis finalement glabres de la vaisselle, vont traverser le Nord de la France avec pour seuls bagages leur provocation et leur poil de carotte. Pour ce faire Gavras a fait appel à ses poteaux de la bande à Kourtrajmé, à savoir Vincent Cassel et Olivier Barthélémy ( déjà présents dans le délirant Sheitan de Kim Chapiron, qui fait ici une courte apparition en gamer gothique à l'arcade percé...) cette nouvelle garde du cinéma français souvent controversée par la critique et le public en raison d'une contestation souvent puérile des valeurs sociales et politiques hexagonales.
Bon. Une chose frappe, évidente mais pas forcément dommageable : Notre jour viendra est un film imparfait, inégal et même raté par moments... Mais sa liberté de ton, inespérée à l'orée des années 2010, réserve quelques excellents éclats de cinéma ( un court et fulgurant monologue manifeste déclamé par un Vincent Cassel presque bouleversé et bouleversant ; une nuit de débandade dans une grande surface s'achevant sur une relecture de La Fureur de Vivre au petit matin en bord de mer, rappelant avec nostalgie l'époque révolue des Valseuses de Bertrand Blier ) et plusieurs passages de pure comédie assassine, largement portée par le binôme de comédiens.
Si les 45 premières minutes tiennent impeccablement sur la longueur ( dialogues souvent superbes, mélange de cynisme, de racisme et de désespoir drapés dans une atmosphère sciemment provocatrice ) l'aspect grave et solennel de la seconde partie a davantage de mal à nous convaincre. Ainsi en prenant une toute autre direction à mi-parcours de son métrage Romain Gavras se perd un peu dans un vague brûlot révolutionnaire proche du non-sens ( plus imputable au personnage incarné magnifiquement par Olivier Barthélémy, celui de Cassel demeurant presque en retrait dans cette deuxième moitié ). Notre jour viendra n'en demeure pas moins authentique et digne d'audaces formelles et thématiques, loin des excès indigestes du récent Le Monde est à toi. J'aime bien.