Vice de forme
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L’addiction sexuelle est un thème en vogue au cinéma dernièrement. Après le très sombre et non moins magnifique Shame de Steeve McQueen, et après Don Jon de JGL sous couvert d’un ton s’étirant plus vers la romcom, c’est au tour de Lars Von Trier de vouloir s’employer à raconter la vie d’une femme qui se confronte à elle-même et à sa nymphomanie. Charlotte Gainsbourg, à terre, le visage ensanglanté, est retrouvée et secourue par Seligman. Les deux vont alors essayer de parler des malheurs de la jeune femme dans une introspection presque initiatique, dans un décorum théâtral, presque boueux, malsain.
Le rôle de Seligman jouira presque d’une double lecture. Il joue le rôle de Lars Von Trier en étant celui qui fait continuer et qui explique de façon presque philosophique et ésotérique la vie de Joe avec des comparaisons pataudes comme celle entre la drague et la pèche. Puis il prend la place du spectateur, celui qui se pose des questions sur la véracité des propos et sur la naïveté des thèmes mis en place, comme par exemple, lorsqu’il explique que la jouissance face à la mort est une chose presque habituelle.
Nymphomaniac se déroule en plusieurs chapitres, explorant notamment dans cette première partie la jeunesse de Joe. Ce qu’on peut dire c’est que Lars Von Trier n’y va pas par quatre chemins, et chausse comme à son habitude ses gros sabots, à l’image de cette enfilade de photos de pénis où Joe nous explique qu’elle en a explorés de toutes les couleurs et de toutes les longueurs. Nymphomaniac alliera avec talent scène à l’ironie un peu lourde ou au réalisme gênant avec des plans magnifiques faisant découvrir une souffrance presque indicible.
L'exemple le plus flagrant est le moment où l'on voit le père de Joe, sénile et lavé par les infirmières puis quelques instants plus tard, lors de sa mort, le réalisateur mettra en image une magnifique scène où une goutte de mouille perlera sur la jambe de la jeune fille dans le très beau chapitre sur le délirium, réalisé d’un noir et blanc sublime. Lars Von trier en laissera d’innombrables sur le carreau avec cette ambiance abrupt, presque grotesque –qui fait parfois rire à son insu– et surtout tout sauf érotique.
Les scènes de sexes, nombreuses, sont parfois magnifiques de beauté comme lors du dernier chapitre où l’équilibre du sexe est comparé à une symphonie musicale et à d’autres moments, terribles d’aridité et de laideurs comme cette première séquence où Joe perd sa virginité, 3 fois par devant et 5 fois par derrière – la subtilité et Lars, ça fait parfois deux -. Nymphomaniac est un film à l’esthétique changeante et parfois virtuose, aux idées perpétuelles se permettant quelques incartades à coups de graphiques mathématiques (3+5 ou le stationnement de la voiture), avec cette caméra à la fois à l’épaule et statique, utilisant le symbolisme des couleurs, ou le split screen de façon très visuelle.
Derrière ce côté un peu racoleur filmant son actrice sous tous ses aspects et dans toutes les positions, la jeune et volatile Stacy Martin, Nymphomaniac est un film terriblement dense et qui dévoile tous ses secrets au compte de gouttes avec une intelligence narrative assez fascinante. La place de la femme face à l’homme et à la religion, le bien et le mal, la culpabilité, le plaisir et la haine de soi, l’ordre et le désordre, la vie et la mort, Nymphomaniac n’élude rien et en parle sans détours ni gène aucune.
Lars Von Trier, n’est jamais moralisateur, et voit son héroïne sous toutes les coutures possibles, comme une femme étant aimante à problèmes lors du chapitre avec Madame H ou femme presque révolutionnaire lorsqu’elle combat, dans un groupe de fille sectaire, avec cette idée que le consumérisme du corps combat le consumérisme amoureux. L’odyssée pulsionnelle et réaliste de Lars Von Trier ne laisse pas indifférent, tant par ses boursouflures qui ont le mérite d’être totalement assumées que par sa singularité presque hypnotique et sèche. Cette première partie pourrait s’assimiler aux préliminaires, et c’est donc avec une certaine impatience qu’on attend la suite...
Créée
le 16 févr. 2014
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