Critique @lefilmdujour


Qu’il est difficile de mettre une note si basse à l’une de ses licences préférées… 12 ans après le très bon Rio ne répond plus et 15 après le légendaire Le Caire, nid d’espions, c’est Nicolas Bedos qui succède à Michel Hazanavicius à la réalisation d’Oss 117.


Porter à l’écran cette licence d’anthologie, c’est comme être le dernier tireur d’une séance de tir au but. L’attente du public est immense, la pression vous scie les jambes, mais si vous transformez votre essai, alors c’est la gloire qui vous tend les bras.


Le français était sans aucun doute l’un des choix les plus évidents pour reprendre la franchise, rares étant les réalisateurs ayant la capacité de flirter avec agilité avec le politiquement correct. Sa carrière de dramaturge parle pour lui, et le digne héritier du Grand Guy n’a pas froid aux yeux, tout le monde le sait. Que l’on apprécie ou non son travail ou même la personnalité publique, il est plus que légitime à l’heure où il place le ballon sur le rond blanc.
Il s’élance et… aïe. La panenka de Bedos frappe le poteau. Il vient de confirmer les craintes de ses détracteurs. En s’appropriant de manière trop explicite une œuvre qui ne peut se laisser dompter par un style différent du sien, Bedos a rendu la plus joviale des comédies pesante au possible. Son cameo inutile en est l’exemple parfait. Si les très intéressants La belle époque (2019) et Monsieur et Madame Adelman (2017) lui avaient permis de prouver son talent de scénariste, mettre en scène celui de Jean-François Halin était une autre épreuve.


Détrompez vous, tout n’est pas à jeter, loin de là. On rigole même beaucoup devant ce troisième opus. Si l’on ne peut comparer les trois films, on peut tout de même faire un rapide constat sur le dernier en date : du temps est passé, et la magie d'OSS 117 n’opère plus de la même manière. On connaît les codes de ce film : pousser la bienséance à son extrême opposé à travers un anti-héros macho, raciste et d’une grande lourdeur, tout en étant capiteux aux yeux des dames et effrayant pour ses ennemis. Mais ce personnage extravagant doit tout de même bénéficier d’un cadre rigoureux pour assouvir sa mission principale : divertir le public. Dans Alerte Rouge en Afrique Noire, absolument tout est donc bien poussé à l’extrême, si bien qu’il est parfois difficile de trouver le caractère burlesque de certaines répliques osées, voire douteuses. En chosifiant les personnes de couleurs (à la manière d’un film vieille France des années 60), le réalisateur prend des risques, et son public s'offusquera… ou non.
Heureusement, le casting de cette œuvre permet de rattraper ses lacunes scénaristiques.
Jean Dujardin a pris quelques rides, certes, mais son génie, lui, est resté intact. L’acteur continue de faire perdurer sa légende en conservant la justesse qu’on lui connaît, malgré quelques passages un peu ridicules. À l’image du James Bond version Sam Mendes, Bedos réussit dans une moindre mesure à montrer les doutes de l’agent secret, ce qui amène quelque chose de réellement intéressant au récit. Pierre Niney vient quant à lui amener sa fraîcheur, mais l’utilité de son personnage (ou en tout cas son utilisation) me laisse vraiment perplexe. Si on connaît ses multiples talents d’acteur, pas sûr que l’ADN OSS lui colle à la peau. Saluons les seconds rôles tous excellents, de la surprenante Natacha Lindinger à l’impressionnante Fatou N’Diaye, en passant par Ibrahim Koma ou Pol White, que Bedos m’a fait découvrir dans ce film. À noter, l’apparition du génial Benjamin Tranié, quel parcours !


Pour ce qui est de sa forme, j’ai trouvé la réalisation de Bedos vraiment intéressante, à l’image de son générique sublime. Si on met de côté ses transitions exécrables à coups de fondus à répétition, le film est visuellement magnifique, que ce soit de jour ou de nuit. Bedos réussit à exploiter le paysage du berceau de l’humanité à la perfection, sublimant la savane africaine et lui permettant de rendre efficace certaines de ses facéties.


Malgré ma déception quant à l’ensemble de cette œuvre, je m’attendais réellement à pire après avoir regardé la bande annonce. Pour défendre Nicolas Bedos, qui va surement être confronté à une critique presse très manichéenne quant à son film, j’ai trouvé qu’il avait au moins le mérite d’être fidèle à lui-même, et que, si le résultat final m’a laissé sur ma faim, on ne peut que saluer la prise de risque de ce troisième volet. À suivre ?


L’entrée était fabuleuse, le plat du jour était délicieux. Impossible de pleinement se délecter du dessert. Dommage. Après avoir goûté à la cuisine d’Hazanavicius, il est difficle de manger dans une autre assiette.

Baptiste-Gouin
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le 3 août 2021

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Baptiste Gouin

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