Je me souviens encore parfaitement bien de ma première prise de contact avec cet "OSS 117".
Je découvrais les premières minutes de ce film et je me disais quelles étaient étonnamment habiles - qu'elles jouaient très bien de cette atmosphère désuète et ridicule pour mieux s'en moquer - quand bien même je restais malgré persuadé que ça ne durerait pas.


Il faut dire que ça dure rarement avec la comédie française. Dans notre beau pays, on n'a pas peur de faire un film avec une seule idée qu'on ne prend même pas la peine de creuser et qu'on enrobe ensuite avec des gags potaches lamentables...
Seulement voilà, ici - ô surprise - le moment habile n'a pas seulement duré que quelques minutes. Finalement il a duré tout le film.
Et franchement ça fait du bien...
...Oui, ça fait du bien de tomber sur un film bossé.


Parce qu'en effet, faire de la bonne comédie, c'est du boulot.
C'est justement réfléchir à ce qu'on trouve drôle dans un concept et c'est ensuite savoir le décliner sous de multiples aspects afin que progressivement le concept devienne univers.


Ici la moquerie, comme souvent, repose sur le décalage et l'autodérision. Une arme d'autant plus efficace dans "OSS 117" que ce qui est révolu et désuet dans le film ne l'est jamais vraiment totalement dans notre réalité : esprit cocardier déplacé, machisme, racisme ordinaire, parade, entretien d'une grandeur nationale totalement révolue...
OSS est une sorte de "Tintin au Congo à poil" : il trouve tout étrange, absurde et risible alors qu'il est lui-même la plus grande étrangeté absurde et risible de son environnement.
Au fond OSS est un peu à l'image de la France qu'il incarne : il est un peu con mais pas méchant (il n'a pas / plus l'envergure pour l'être) et tout le monde autour de lui cherche juste à ménager cet hurluberlu bien indélicat.


Alors bien évidemment l'idée a beau être limpide qu'elle n'est efficace que parce qu'elle est aussi exécutée avec un vrai talent d'orfèvre.
Personne n'en fait trop - Dujardin le premier (Béjo est davantage aux fraises) - la réalisation est métrique, les effets de ruptures totalement maîtrisés.
Pas de balourdise. Que de l'équilibre (au risque de perdre tous ceux qui n'ont pas forcément les codes) et surtout un vrai sens du rythme.


En même temps, le Michel Hazanavisus qui se cache derrière la caméra ne sort pas non plus de nulle part. S'il était un relatif inconnu au moment de la sortie de ce film, l'énergumène avait déjà commis avant ça "Le grand détournement" et quelques "Émission(s)" des Nuls.
... Et l'air de rien, ce n'est pas de la petite référence.


Au final ce film a connu le succès et franchement il le mérite.
Même si pour certains cet "OSS 117" ne restera qu'une comédie efficace mais sans ampleur tandis que pour d'autres - plus anciens sûrement - il sera davantage une comédie fermée sur sa propre génération, ça n'en retire pas pour autant le grand mérite de ce film.
Car aujourd'hui - surtout en France - il est quand même rare de voir des comédies capables d'être simplement efficaces ou capables de parler à sa génération.
Or c'est ce qu'a su faire cet "OSS 117" - avec rigueur et maîtrise - et ça, moi, ça me parle beaucoup.


Alors bravo OSS.
Mission accomplie.

lhomme-grenouille
8

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films d'humour absurde et Les meilleures comédies françaises

Créée

le 5 déc. 2017

Critique lue 285 fois

7 j'aime

Critique lue 285 fois

7

D'autres avis sur OSS 117 - Le Caire, nid d'espions

OSS 117 - Le Caire, nid d'espions
Clément
8

Fonce Sliman, fonce !

La plus grande comédie française ? Les tontons flingueurs. La seconde ? Je suis pas loin de penser que ça pourrait être cet OSS 117 au Caire. Petit bijou d'écriture, à la fois en terme de situations...

le 23 juil. 2010

101 j'aime

7

OSS 117 - Le Caire, nid d'espions
Hypérion
8

Votez René Coty !

OSS 117, le meilleur film d'espionnage français. Tout le film repose sur un subtil décalage des codes éternels du film d'espionnage des années 50. Pour bien se fondre dans l'ambiance, un effort...

le 24 mars 2011

77 j'aime

3

OSS 117 - Le Caire, nid d'espions
B_Jérémy
8

Ḥabit twazwaz yâ l-bulbul « Bambino, bambino ! »

- Je vous conduis ?- Je n’ai jamais pu refuser quoi que ce soit d’une brune aux yeux marrons.- Et si j’étais blonde aux yeux bleus ?- Cela ne changerait rien, vous êtes mon type de femme, Larmina.-...

le 25 mars 2024

61 j'aime

74

Du même critique

Tenet
lhomme-grenouille
4

L’histoire de l’homme qui avançait en reculant

Il y a quelques semaines de cela je revoyais « Inception » et j’écrivais ceci : « A bien tout prendre, pour moi, il n’y a qu’un seul vrai problème à cet « Inception » (mais de taille) : c’est la...

le 27 août 2020

236 j'aime

80

Ad Astra
lhomme-grenouille
5

Fade Astra

Et en voilà un de plus. Un auteur supplémentaire qui se risque à explorer l’espace… L’air de rien, en se lançant sur cette voie, James Gray se glisse dans le sillage de grands noms du cinéma tels que...

le 20 sept. 2019

206 j'aime

13

Avatar - La Voie de l'eau
lhomme-grenouille
2

Dans l'océan, personne ne vous entendra bâiller...

Avatar premier du nom c'était il y a treize ans et c'était... passable. On nous l'avait vendu comme l'événement cinématographique, la révolution technique, la renaissance du cinéma en 3D relief, mais...

le 14 déc. 2022

158 j'aime

122