Le nouvel Ocean's est arrivé !
Il est 100 % féminin, il est 2 en 1 autant une suite qu'un spin-off, il met en scène des héros de la trilogie soderberghienne, il dispose d'un immense casting cinq étoiles, il compte dans ce casting Sandra Bullock (Speed, Miss Détective), Cate Blanchett (Le Seigneur des Anneaux, Si de Giorgio Armani), Anne Hathaway (Un Mariage de princesse, The Dark Knight rises), Helena Boham Carter (Harry Potter, Hamlet), Rihanna (Battleship, Valerian), Sarah Paulson (American Horror Story), Heidi Klum (Zoolander), Stana Katic (Castle), Katie Holmes (Dawson), Olivia Munn (X-Men Apocalypse), Kim Kardashian, Serena Williams,Dakota Fanning (La Guerre des mondes), Eliott Gould (Ocean's Eleven), James Corden (Dr Who), Richard Armitage(Le Hobbit) et un autre invité surprise ! Il est le Ocean's de tous les superlatifs ! Il est le plus gros défi vu dans un Ocean's ! Il propose un superbe twist final !
Et, ce qu'il est par-dessus tout, c'est un beau produit marketing !


Franchement, ne trouvez-vous pas que tout cela ressemble à une publicité ?
C'est normal !
Sans filtre politiquement correct, que peut-on dire réellement d'Ocean's Eight (ou Huit, restons français, comme dirait Fernand) ?


Ocean's Huit, c'est une huître.
Un coquillage assez grossier empli d'une substance peu ragoûtante mais très salée qui peut contenir une perle.
Dans le rôle de la perle, une énorme distribution de vedettes jouant un rôle ou jouant leur propre rôle. Et le spectateur de se dire qu'il ne suffit pas de ressembler à Ocean's Twelve pour faire du Ocean's Twelve ... ou serait-ce Cétélem ? On ne saurait le dire vraiment ...


Dans le rôle de la coquille, la promotion du film et la bande-son qui tente d'imiter l'ambiance vintage jazzy de la trilogie dont cet opus est issu. Mais en fait de Clair de lune de Debussy dans les règles, du Bach en accéléré façon tunning. Une fugue, quoi. Si Sinatra il y a comme dans le film de 1960, ce n'est pas Frank mais Nancy: la victoire des cambrioleuses délaisse en effet l'élégance de Debussy pour une version moderne de These Boots are made for walkin' ou, pour vulgariser, la musique de La petite robe noire de Guerlain ou d'un interrogatoire entre David Tennant et Daid Morissey dans Blackpool. Restent cependant Charles Aznavour, le Frank Sinatra français, et Sammy Davis Jr, l'un des Ocean's eleven de 1960.
La partie nacrée, c'est le groupe de femmes qui nous entraîne dans cette aventure. Néanmoins, ce groupe n'a pas les aspérités, l'originalité, les traits particuliers des Ocean's eleven de Soderbergh. Pas d'asiatique contorsionniste,, pas de vieux grincheux truffé d'ulcères jouant les milliardaires russes, pas de jeune premier, pas de black faussement militant, pas de frères sans cesse en train de se chamailler. Non. Mais une Rihanna qui se nomine pour l'oscar de la vulgarité, une Boham Carter totalement pommée et un tandem Bullock-Blanchett qui, faute d'imaginer sa propre dynamique, tente vainement de se faire l'écho de celui du tandem Clooney-Pitt. Même des hommes auraient été mal inspirés de vouloir imiter un duo qui ne valait que par ses interprètes. Manque cette complicité unique, ce côté Montaigne-La Boétie d'un duo d'amis qui se comprennent du bout des points de suspension. Ne le remplace qu'une pâle imitation d'un duo d'actrices qui aurait pu faire des merveilles en créant son propre style. Et, puisqu'il est question de style, un Ocean's se doit d'avoir le standing d'un Sinatra: Ocean's Eight a quelque chose d'assez vulgaire au regard des Ocean's Eleven, Twelve et Thirteen...


La substance morveuse et salée, c'est le scénario. Ou du moins est-ce la première heure et les vingt minutes qui la suivent. Ce n'est que réécriture bas de gamme du Ocean's Eleven de 2001.
Le film commence avec Debbie Ocean en prison, interrogée sur ce qui l'y a amenée. On passe à son amie Lou Miller qui apprend à des serveuses de restaurant comment pigeonner des clients et Debbie qui l'appelle. Arrive le catalogue des futures complices, le plan, le hic (Debbie ne fait pas ça pour l'argent mais pour se venger), résolution du hic, le plan.
Quand dans Ocean's eleven, le film débutait en prison avec Danny Ocean, interrogé sur les raisons qui l'y ont jeté. On passait à Rusty apprenant le poker à des "golden boys" et Danny lui rendant visite. Arrivait le catalogue des différents futurs complices, le hic (Danny ne fait pas ça pour l'argent mais pour reconquérir Tess), résolution plus complexe du hic et plan truffé de twists imbriqués les uns dans les autres.
La différence ? La forme stylisée de la mise en scène (catalogue des complices plus vivant introduisant parfois Danny ou Rusty, transitions intéressantes entre certains membres, difficulté pour en trouver), la photographie (effet de zoom progressif sur Danny pendant l'interrogatoire, plan fixe et peu recherché pour Debbie, par exemple), l'étalonnage (brun-fauve feutré dans Ocean's Eleven, inexistant ou donnant l'impression de néant dans Ocean's Eight) et les dialogues (culte dans le film de 2001, aussi vains que ceux d'Ocean Thirteen dans Ocean's Eight).
Le problème majeur ne réside d'ailleurs pas vraiment cette décalcomanie facile mais plutôt dans le double objectif du casse. Lorsqu'Ocean's Eleven se proposait de braquer 10 casinos simultanément en 1960 et trois casinos en 2001, Ocean's Eight se propose de voler ....une rivière de diamants. Mais pas une rivière en tant que métaphore d'une grande quantité de diamants ! Non: une parure de diamants qu'on appelle communément une rivière. C'est gagne-petit.
C'est aussi gagne-petit que la visée personnelle du casse pour Debbie Ocean. La jeune soeur de Danny veut se venger d'un autre voleur qui a su la manipuler pour faire un casse avec elle et la faire payer à sa place. Piètre Terry Benedict, pas même un Renard de la Nuit, juste un Nain voleur.


Quitte à faire mourir Danny Ocean, il eût été de bon ton d'axer la vengeance de Debbie sur un partenaire de Danny qui l'aurait laissé pour mort lors de leur dernier braquage.
"Tu aurais aimé" dit Debbie face à l'emplacement des restes de son frère dans un jardin du souvenir pour clore le film. Oui, il aurait sans doute aimé être le motif de sa vengeance pour rehausser un peu l'un des enjeux du film.


On se rappelle que Danny visait plus haut, plus mature, cherchant à détromper Tess sur la nature de son nouvel époux.
Ce qui permet de dire aussi combien les Danny Ocean's plaisaient par leur semi-moralité qui consistait à s'attaquer à des patrons de casinos aux manières de gangsters quand les Debbie Ocean's volent des orfèvres certes nantis mais honnêtes ou d'innocents clients d'hôtel ...
Ce qui fait des Ocean's Eight des personnages au moins aussi détestables que leurs adversaires, sinon plus.


La perle, c'est la dernière demi-heure du film.
Une dernière demi-heure qui aurait (soulignons le conditionnel "aurait") pu sauver de beaucoup le film dans son ensemble comme la perle donne à l'huître sa beauté insoupçonnée.
Dans cette dernière demi-heure, s'invite James Corden dans le rôle d' "un Columbo sans imperméable". Et il joue ce rôle à la perfection. Cela est d'autant plus intéressant que le film ne s'arrête donc plus au casse mais se poursuit, comme dans le film des sixties, avec une chasse aux voleuses. James Corden reprend ainsi le rôle de Cesar Romero mais autrement nommé et en adoptant un jeu à la Peter Falk. Hélas, tout cela, en vain. Car ce personnage intéressant (dont on apprend au passage qu'il a déjà arrêté chaque membre de la famille Ocean, dont Danny probablement avant Ocean's Eleven) ne va pas traquer les véritables coupables jusqu'au bout comme le faisait celui de Romero. Au contraire, il va vite choisir de jouer le jeu que Debbie voulait lui voir jouer. Rougir d'être la marionnette, dirait Paul, mais non pas s'en insurger et refuser.
L'autre piste intéressante, c'était le twist final. Mais hélas, ce twist donne l'impression d'un encéphalogramme sautillant du très bon au très mauvais. Premier twist, Daphné Kluger, le personnage d'Anne Hattaway révèle à l'ensemble de l'équipe qu'elle était au courant du plan et qu'elle jouait le jeu. Ce qui revient à imaginer les scénaristes se disant : "M****, elle fait pas partie de l'équipe ! Il faut qu'on trouve une astuce pour la glisser dedans et nous dirons que c'est un twist". Bref, faux-twist. Deuxième twist, le vol de la rivière n'était qu'une diversion pour voler un plus grand nombre de rivières de diamants ! Les scénaristes donnent alors l'impression de se prendre pour Maupassant et d'inventer de nouvelles parures pour surprendre le spectateur. Mais en fait, ces nouvelles rivières semblent vraiment sortir ex nihilo pour rattraper le faible enjeu du film souligné par l'une des voleuses qui, comme les scénaristes, semble soudain s'en rendre compte ! Twist sauvetage des meubles donc mais qui va être sauvé par le retour inattendu de l'invité surprise,


Yen, le contorsionniste,


ex-membre des Ocean's Eleven, qui accompli le véritable casse tandis que le casting 100 % féminin fait diversion. Pour un film censé donner la part belle au femmes, c'est un comble ! Les voilà dans le rôle traditionnel si condamné par les féministes, celui de la femme qui ne sert qu'à faire diversion !
Pour preuve, établissons le catalogue des compétences de chacune des casseuses:
- Debbie Ocean: parler allemand pour perturber les accesseurs
- Daphne Kluger: être jolie et vomir
- Nine-Ball (surnom d'une classe folle du personnage de Rihanna) : quelques pirouettes geeks sur un ordinateur portable et se vernir les ongles des pieds
- Amita (le personnage de Mindy Kaling): examiner des diamants et mettre en pièce des bijoux
- Rose Weil (le personnage d'Helena Boham Carter): reconnue dans les dialogues même comme une mauvaise actrice. Nous parlons bien-sûr du personnage.
- les autres (avec une mention spéciale pour Cate Blanchett et Sarah Paulson) restent au stade contemplatif, comme dirait Sherlock.
La perle s'avère donc ... du toc.


Le film qui prétendait mettre en avant les femmes, prétendue minorité, glorifier ce que d'aucuns nomment le quota et va à l'encontre de ce postulat de départ. Finalement, Ocean's Eight nous apprend qu'il faut un bon Ocean's mâle à l'ancienne pour réussir un vrai casse ! Et, si l'on veut pousser plus loin la démonstration, on notera que le film est dédié à Jerry Weintraub, le producteur de la saga soderberghienne, mais oublie de citer Bernie Mac, dont le décès est, d'une certaine façon, à l'origine de ce Ocean's repensé. Le film quota est donc un film anti-quota malgré lui;


Ocean's Huit, c'est donc une huître nacré, perlée pour cacher une mauvaise réécriture de l'Ocean's Eleven de 2001. Son grand casting, sa deux belles occasions manquées de dernière demi-heure n'y changeant rien ou pire, l'enfonçant plus encore.


Bien trop salé à mon goût.

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le 17 oct. 2018

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Frenhofer

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