Il est très rare de voir un film de genre européen qui s'attaque aux super-héros avec une touche très locale. Loin du canon américain du genre ? 


Enzo est donc un malfrat qui vit en banlieue de Rome, payant son loyer avec les recettes de ses petits délits. Un jour il est contaminé par des barils contenant un produit toxique et il va être entraîné dans un engrenage qui le dépasse et devenir un héros. Une origin story donc.


Avec un mélange de comédie et de drame très propre au cinéma italien, On l'appelle Jeeg Robot est un film de super-héros qui va plus lorgner du côté d'Incassable et de Kick Ass que des films Marvel/DC habituels.
On peut dire que Mainetti a réussi à trouver une dynamique qui rend les choses plutôt cohérentes avec son univers cassé comme ses personnages le sont : un asocial, une fille instable et une ancienne star de la téléréalité en quête de gloire. Si un héros se jauge à l'aune de son antagoniste, Jeeg Robot a tout compris tant l'évolution morale et physique de ce personnage de Fabio «le Gitan» s'impose tout au long du métrage. Malgré ses quelques clichés, l'ensemble est une agréable surprise.


Jeeg Robot serait l'avant-garde d'une scène européenne ? 


Je ne pense en fait pas.
Si l'histoire et le contexte, si certains personnages rafraîchissent pas mal des codes qui accusent le poids des ans, il y a beaucoup d'éléments qui nous ramènent directement cinq ans en arrière avec des caméras que l'on secoue avec force à chaque scène d'action, que l'on sur-coupe également (jusqu'à quatre plans pour un coup de poing)… Si l'on parle du traitement du personnage féminin, Alessia, principale alliée du héros, alors on peut revenir aux années 70.
Traitée comme un poids mort pendant la majorité du film, protégée de l'extérieure, abusée sexuellement par son psy puis par le protagoniste (pour qui d'ailleurs cela ne sera que la naissance d'une vocation, comme quoi), on peut se dire qu'Alessia n'arrive qu'à un niveau d'outil scénaristique. Si vous ajoutez là-dessus le fait qu'on nous montre qu'elle est une princesse à sauver dès le premier dialogue…
Je pourrais me dire que c'est un peu le malaise quand même.
Je pourrais aussi me dire que c'est que font les films de ce genre depuis toujours et qu'un film européen qui reprend autant d'éléments de films américains peut ne pas échapper à cette règle de la femme traitée comme objet de désir et d'enjeu scénaristique.


Sauf que c'est compliqué de s'arrêter là, et pour une fois je vais devoir vous raconter une scène en détail pour appuyer mon propos.
On est donc au milieu du film, Enzo a de l'argent en masse et emmène Alessia en virée shopping. Ils trouvent enfin sa robe de princesse qu'elle réclame depuis la première scène et elle le fait entrer dans la cabine d'essayage pour qu'il regarde. Il lui dit que ça lui va, maladroitement. Elle l'embrasse. Il la plaque au mur, elle se débat mollement, lui dit « Tu me fais mal… » et s'arrête. Pendant qu'il la viole on voit son visage vide.
C'est un viol banal qui est horriblement proche de la réalité ; c'est une scène qui semble étrange et qui est le pivot pour que le héros décide de changer…
Mais en réalité, qu'est-ce que cela dit ? Il n'y a pas de retombées négative, elle ne l'abandonne pas non plus. C'est un viol sans conséquence sur une femme instable psychologiquement avec des antécédents d'abus, et c'est filmé de façon très forte, trop forte pour être innocente.
Ce n'est pas quelque chose fait par hasard, loin des clichés dont je parlais plus haut, qui m'a profondément dérangé, mais qui m'intrigue aussi énormément.


Jeeg Robot a des problèmes, des idées ; il a du mal à se défaire du langage et des clichés propre à son genre. C'est une adaptation très intéressante du trope dans un paysage européen.

OrCrawn
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le 25 avr. 2017

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