Attendre pour enfin voir le film et succomber au jeu de Quentin, déjouant les attentes comme un chat jouant avec la souris.
Où sont les longueurs un peu vaines, ressenties par certains spectateurs? Jugeant déjà le cinéaste en bout de course...
L'époque serait-elle à ce point infantile ou conditionnée par l'esthétique de la série télé, dont le film nous renvoie en miroir ses débuts bien peu glorieux, pour ne pas prendre le temps de savourer cette navigation dédalesque dans un monde hollywoodien en perpétuelle mort/renaissance.


Montant dans la bagnole, avec cette paire de losers que n 'auraient pas reniés Bucko et Fante , contemplant ces décors si peu réels ou décrépis de western ringard, le cinéma de Quentin m'évoqua American Graffiti, à l'heure où le nouvel Hollywood auscultait sa jeunesse. Je songeais alors que le film qui allait se dérouler sous mes yeux, refermait la parenthèse de ce dernier "âge d'or" non sans ironie.


Quentin Tarantino ne tombe jamais dans le panneau de la mièvrerie nostalgique alors que ses contempteurs comme ses admirateurs abusent de ce qualificatif.


Lui que l'on voit toujours comme le "magnificateur" du Cinéma contre la vie, nous dévoile les coulisses du rêve avec une acuité étonnamment poignante.
Quel cinéaste américain de renom aujourd’hui ose encore montrer ces gens vivant en marge de l' american dream ou sur ses ruines?


En ces temps trumpien de fake news, de "make great america again" à la sauce escroc, Tarantino délivre- volontairement ou non, peu nous importe!- sans donner de leçon, une vision puissante de notre époque, où le réel est rongé à l'acide de fantasmes érotico-morbides, où la fiction n'est que divertissement de rois déchus.
Il utilise tous les moyens du cinéma pour nous faire perdre les repères séparant le réel de l' imaginaire.


Et non, il ne se contente pas de cette tendance vaine de notre époque à reconstituer le décor d'une époque révolue, il en ressuscite l'esprit, y compris et surtout celui que nous avons voulu oublier.
A la fin des années 60 le massacre de Sharon Tate sonna l'hallali de la parenthèse hippie, les réactionnaires de tous poils allaient bientôt fonder l' amérique reaganienne, bushienne, trumpienne, c'est donc de notre époque que se préoccupe Quentin, avant de nous dire Adieu ?


Once upon a time... revers magnifique d'easy rider- oui une même histoire de duo et d'errance!- qui sonne la fin de la récré...


La cruelle absence d'un personnage féminin digne de la légende tarantinienne n'est pas la moindre des attentes déjouées. Sharon Tate? Comment aller plus loin sans flirter avec le morbide, le dégueulasse ou le contresens ( version alternative too much easy: Sharon dégomme ses tueurs en redoutable bitch avant la lettre).
La bande de filles façon pré Spring Breakers? Trop gamines pour notre Quentin révérant la lady mature.


La formidable ambiguïté de la fin qu'il serait vain de juger ( déçu par des critiques de renom cédant à la facilité d'hurler avec les loups du moralisme), le moment de génie à l'écran du pathétique Rick Dalton, la virée au Spahn's Movie Ranch où Tarantino nous fait traverser toutes les émotions. Sur quel pied danser? Prendre son pied. Ne pas se lasser d' y repenser. Attendre déjà non sans impatience la version de quatre heures qui s'annonce. Méta film de malade. Source inépuisable. Il y aurait tant à dire, pour les amoureux du Cinéma.


Tarantino ultime outsider à Hollywood, libertaire franc-tireur héritier de Clint.


PS: et comment il joue avec et fait jouer ses deux icônes, moi qui détestais presque Di Caprio à ses débuts, il est l'Acteur que j'admire ici...

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le 7 sept. 2019

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PhyleasFogg

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