Cette histoire bien étrange, mise en scène par Christian Petzold, s'inspire du conte "Ondine" de Friedrich de La Motte-Fouqué : la nymphe des eaux cherche, en épousant le chevalier Huldebrand, à acquérir l'âme dont elle est dépourvue.


"Ondine" n'est en rien une vague adaptation arty, opportuniste et poussive d'un ancien conte allemand : c'est une belle réflexion sur la solitude des êtres. Tous les protagonistes ne semblent jamais se satisfaire de leur destin, à commencer par Ondine. Amoureuse éperdue des hommes sans jamais vraiment être comblée, son cœur et son esprit ne font que vaciller dans une existence vouée à poursuivre l'être aimé. Petzold renforce cet isolement par un urbanisme morne, emprisonnant les esprits dans une mélancolie figée. Quant à Johannes et Christoph, ils scindent en deux le tourment d'Ondine : d'un côté la peur de l'engagement et de l'autre la passion. Comment concilier les deux sans se perdre, sans souffrir ?


Un questionnement que le réalisateur illustre par une approche poétique et esthétique du récit. Peu de dialogue, beaucoup de regards et de gestes qui en disent long dans une nature solaire. La caméra plonge au plus profond des eaux pour y déceler les secrets et les trésors. L'eau est d'ailleurs filmée comme une matière sensuelle, berçante et enivrante, symbolisant ainsi l'enveloppe mythologique d'Ondine. Les moments de plongés avec Christoph pousse le récit aux frontières du fantastique, avec cependant une retenue suffisante pour questionner le rapport au réel et au fantasme.


Berlin est un lieu où s'entrechoque un passé nourri de fêlures et de légendes. Entre les infrastructures modernes et les vestiges du temps passé, "Ondine" interroge l'identité ou la manière de construire un futur sans être rattrapé par les griffes du temps. L'héroïne semble prisonnière d'une destinée écrite d'avance, ne pouvant se défaire d'une forme de fatalisme. L'être aimé ne peut que nous trahir ? L'amour mène toujours à la mort de soi ? Petzold ne choisit en rien la noirceur. A travers Christoph, il montre que l'on reste libre quel que soit l'état de nos sentiments. La notion d'engagement n'est pas synonyme de deuil d'un ancien soi, mais plutôt d'une continuité sous une autre forme.


Finalement, pour Ondine, quel est le but de l'amour ? Poursuivre l'être aimé durant l'aventure de toute une vie, ou bien étreindre au risque de s'abandonner et de tout perdre ? Le film n'a pas la prétention d'apporter une vraie réponse philosophique. Cependant, sa sensibilité et sa finesse dans la description des personnages en font un beau moment d'émotion. Le film captive, fascine et nous emmène dans des zones mystérieuses dont les réponses se trouvent en chacun de nous. Un trouble qui nous caresse et donne envie de croire aux légendes.

AdrienDoussot
7
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le 26 févr. 2021

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