Onegin
6.3
Onegin

Film de Martha Fiennes (1999)

Le livre est parfait - l'opéra formidable - le film lui, correct

Quand on songe à Evgeni Oneguin, c'est évidement au parfait roman en vers et décasyllabe écrit par Pushkin de 1825 à 1832, on pense bien sûr au merveilleux opéra de Tchaikovsky de 1878, mais beaucoup moins au film de 1999.
Etant passionné par l'oeuvre depuis fort longtemps, je me suis moi-même étonné en ne connaissant pas une version long-métrage de ce chef-d'oeuvre de la littérature russe. Je ne rentrerai pas dans l'éternel débat du "le livre était mieux" car il est impossible de retranscrire la perfection d'un des plus grands auteurs du XIXe cela va de soi, MAIS je vous conseille fortement de lire ce merveilleux livre et écouter cet opéra formidable qui en a été fait, puisque on ne peut jamais s'en lasser.


Alors que dit cette oeuvre, de quoi nous parles cet Onegin ?


C'est l'une des histoires d'amour les plus terribles et par conséquent parfaite qui m'est été donné de voir. Eugene Oneguine (en français) est un homme froid, dégoûté par la vie qu'il mène, une vie de jeune bourgeois, lassé de tout; en somme un romantique. Il représente à lui seul toute cette population riche, d'héritiers qui se moquent des choses et de l'argent et qui ne savent où aller, qui ne savent que rêver. Ralph Fiennes réussit dans ce film à retranscrire parfaitement ce que l'on peut attendre du personnage mystérieux et torturé qu'est Onegin.


Onegin voyage, rêve, vit seul, et un jour est appelé au chevet de son oncle mourant, en arrivant il est déjà trop tard et hérite immédiatement. Il rencontrera Lenski (son seul véritable ami) dans des bois, et sera présenté aux Larine : Olga (la fiancé de Lenski), et sa soeur Tatiana. Ce qui est profondément remarquable et qui transparait aussi bien dans le livre, l'opéra ou le film c'est l'extrême opposé des personnages et l'étrange lien qui les unis. Onegin est froid, distant; son ami Lenski est un jeune poète amoureux et délirant, joyeux, compulsif et émotif; sa fiancé elle, est naïve et ne présente quasiment aucun intérêt pour l'histoire. Pushkin ne s'en était jamais caché et n'aimait pas Olga, il l'enverra à la campagne dès la suite de son histoire, et le film fait de même en utilisant une Lena Headey, très peu charismatique dans ce rôle, et complètement naïve et bête.


Tatiana est celle qui semble comprendre le mieux Onegin car elle est baignée depuis sa naissance dans les livres sentimentaux et d'expression, ainsi elle devient pour elle-même une de ces héroïnes de ses romans. Elle voit en Onegin une voie pour sortir de son spleen quotidien, et les deux se regardent profondément, sans dire mot, sans geste.


Tout comme on avait reproché à Tchaikovsky lors de la création de Eugene Oneguine, d'avoir fait une intrigue lente avec peu d'action, le film peut souffrir des mêmes reproches. Mais ces reproches sont faits par des personnes qui ne peuvent comprendre la sensibilité extrême nécessaire pour raconter cette histoire. Car il ne s'agit pas que d'amours impossibles, mais c'est l'âme russe qui s'en dégage et qui oblige à une lenteur, à une patience. Nous sommes très loin du cadre typique américain scénaristique où l'action s'enchaîne et ne doit jamais s'arrêter. Pour comprendre l'oeuvre de Pushkin, il faut raisonner autrement, car les auteurs russes, les films russes, les Oeuvres russes se déroulent dans des conditions à nulles autres pareils. Il faut pouvoir admirer ces paysages immenses, glacés, même en été tout semble froid, loin, triste. Il faut pouvoir comprendre une mentalité incroyable qui comme les paysages, est grave et froide. Les russes n'ont pas un coeur en pierre, bien au contraire, mais ils connaissent des existences rudes, souvent mornes, difficiles et ne vivent jamais dans la précipitation absurde.
La Russie qui transparait dans la réalisation de Martha Fiennes, est selon moi très bien étudié, les décors sont somptueux, le langage n'est malheureusement pas le russe mais l'anglais (c'est un détail), mais l'attitude, la carrure, la grâce des personnages et l'élégance des plans (dénués d'originalité serte) permet d'être plongé dans cette société de 1820.


Je reprends le fil de mon histoire, Onegin est présenté à Tatiana par la voit de Lenski, et Tania tombe amoureuse de Evgeni, lui envoie une lettre passionnée. En retour il lui redonne en main propre et lui dit qu'il ne l'aime pas le jour de sa fête ou une soirée se déroule. Pour se venger que son ami Lenski l'est forcé à venir au dîner, il choisit de s'amuser en séduisant le temps de quelques danses sa fiancé, Olga. Le lendemain Lenski le provoque en duel et se fait tuer. Onegin part alors au loin, il voyage et plusieurs années plus tard (6 dans le film, 2 dans le livre et l'opéra) il se retrouve comme perdu au bal organisé par son cousin, qui s'avère être le mari de Tatiana à Petersburg. Il découvre à ce moment là qu'il l'aimait véritablement, avec une passion folle et lui écrit. Tania qui est devenue une femme plus mure, moins naïve, déchire ces lettres et l'éconduit. Dans une merveilleuse scène finale elle lui déclare en privé et sous son insistance qu'elle n'a jamais cessé de l'aimer mais qu'elle restera à jamais fidèle à son mari. Evgeni demeure seul alors jusqu'à la fin de ses jours, dans le désespoir le plus profond.


J'ai pris plaisir à voir chaque petits détails comme la scène de la lettre qui est des plus belles et émouvante (il faut rappeler que pour l'époque, une femme déclarant son amour est impensable, voire déshonorant), la nyanya de Tania et ses conseils, l'apparition de Mr Triquet, la prestance du général Grémine, la triste mort de Lenki...


Et oui le tragique est toujours présent et c'est Onegin qui tuera dans un duel (se déroulant dans un décor fascinant) son ami, car la société se fait ainsi. Les duels arrivent pour un rien, et la réconciliation est rarement de mise.
Le film suit parfaitement le livre et cela en devient presque troublant, tout y est, chaque détail, comme on se l'imagine. Et pour une fois, voir un film respectant l'oeuvre originel sans la pourrir, est des plus agréable. Souvenez-vous de Thérèse Raquin (1953) massacré par Marcel Carné; au moins il est possible de ne plus désespérer sur les adaptations.


Je regrette toutefois que la musique de Tchaikovsky n'est pas été utilisée dans la bande son, car elle est ce qui est le plus représentatif de cette oeuvre à mon sens, et je comprends quand même la volonté de la réalisatrice de ce détacher des deux oeuvres précédente pour tenter de faire un beau film à sa façon.
Et c'est plutôt réussit, la scène final combine une opposition parfaite entre Tatiana pure, blanche, et Onegin dans son éternelle redingote noir. Ces deux personnages incompatible par les faits, incompatible de par l'existence qu'ils ont, sont malgré tout si proches car ils s'aiment.


J'ai aimé voir ce film, car il m'a procuré une émotion vive, en me rappelant avec douceur la délicatesse de l'oeuvre de Pushkin, qui mourra malheureusement 5 ans après avoir finit Evgeni Onegin dans un duel, dans les mêmes conditions que son autre héros Lenski. Ce destin fatal à fait de cette oeuvre un pilier de la littérature russe. Et si j'avais été réalisateur, sans aucune doute mon premier sujet de long-métrage se serait appeler Onegin.
Si vous êtes à même d'apprécier une intrigue lente et travaillée, une expression de sentiment très importante, et des échanges de regards troublants. Vous pourrez peut-être réussir à comprendre une oeuvre aussi importante qu'Onegin, en attendez courrez voir le film car il est vraiment ce qu'on pourrait qualifier de "beau".

superjunior999
7
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le 10 juin 2018

Critique lue 808 fois

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