Un film, une oeuvre, une prouesse cinématographique:

Ce film est, selon moi, le film incontournable de Kubrick. Il est, en effet, indubitable qu'Orange Mécanique est un film qui a marqué le début des années 70 (1971,1972, 1973) et ceci à la fois de manière positive mais aussi négative (= de nombreuses péripéties à sa sortie-Illustrées paragraphe ci dessous-) Jamais un film traitant de la violence et du malaise sociale n'avait autant bouleversé le monde du cinéma. Une fois de plus Stanley Kubrick vise juste et se situe comme novateur et visionnaire d'un cinéma nouveau, à la rencontre de sujets tabous. Mais l'on peut aussi relevé une vision pessimiste de l'homme qui rencontre un malaise sociale et, par conséquent, se doit de retourner à l'état de nature où pulsions et animalité sont des valeurs sûres.

En décembre 1971 Orange mécanique est présenté à New-York il remporte alors un franc succès malgré quelques critiques virulentes c'est alors que les choses se compliquent en Angleterre où le film est tenu responsable de violences qui se sont déroulées et dont les agresseurs se sont dit inspirés par le film. En 1973 une femme est agressée en Angleterre tout ceci sous la mélodie de "Singin in the rain" faisant référence à la scène du viol. C'est alors que Kubrick est menacé et doit interdire la diffusion du film en Angleterre. Tout ceci montre l'immense impact du film, peut-être trop subversif et offrant le terrible miroir d'une société remplie d'illusion et de désarroi.

C'est ainsi que Kubrick interprète le livre d'Anthony Burgess. Alex Delarge ( il est à noter la sémiotique du nom=nom noble) est un jeune délinquant qui le jour est très propre, vivant chez ces parents, et qui la nuit devient un loup, ultra-violent méconnaissable où la dégénérescence et les pulsions sont incontrôlées. Celui-ci est adepte de la musique de Ludwig van Beethoven. Il est le maître incontestable de sa bande "les droogs", et c'est ainsi que la bande évolue dans la nuit à la recherche de violence, de sexe et d'affrontements.Toute la bande à une tenu de rattachement ou plutôt un uniforme qui fait d'eux une unité bien définie. Ils ont un langage qui leur ait propre (= mélange de russe et d'argot anglais) et enfin des signes et coutumes comme la boisson: " Le Moloko", une boisson contenant des substances hallucinatoires qui réveillent leurs pulsions d'ultra-violence. Violence gratuite est donc leur mot d'ordre.
C'est alors qu'un cambriolage dans une maison notable, appartenant à une femme ne vivant qu'avec des chats, se transforme en scène de meurtre et laisse place à l'arrestation d'Alex qui est trahit par ces compères.
Il est condamné à 14 ans de prison mais se porte volontaire pour une thérapie nommée "Ludovico" qui lui ait proposée et qui vise à atténuer et même dissiper la violence chez les criminelles on lui promet après celle-ci la libération. L'objet de la thérapie est en fait la projection d'images ultra-violentes qu'on lui force à regarder. C'est ainsi qu'il est bouleversé par des images de la seconde guerre mondiales filmées par les nazies et ornées de la 9ème symphonie de son compositeur favori. On lui injecte des doses de sérum et celui-ci finit par avoir horreur de la violence, il est pris de panique et cherche à résister aux projection. Considéré comme guérir il est alors libéré. Mais il n'est plus le même homme, il cherchera à se suicider lorsqu'il entend de nouveau la 9 ème symphonie qu'il répugne dorénavant.
Finalement on l'utilise comme exemple face à la presse, et en tirer profit pour montrer que le programme testé est un succès et a réussi à transformer cet homme pour qu'il soit apte à vivre en société.

Après une production très lourde et très couteuse de 2001:L'Odyssée de L'espace, Kubrick tourne Orange Mécanique avec une légèreté niveau budget et doit faire son film avec des moyens très réduits. Il revient alors à ses début où il ne filmait que dans des décors naturels. Il adopte alors le format 35 mm et évite ainsi le "pan and scan" nécessaire pour un format de 75mm utilisée pour 2001: L'odyssée de l'espace. Le génie de Kubrick se fait entendre, il mit au point une chaise roulante lui permettant de réaliser des travelings en légère contre-plongée. Cette dernière est d'ailleurs utilisée dans des lieux étroits et permet facilement de suivre le personnage tout en laissant ce sentiment de domination d'une contre-plongée.Elle est utilisé par exemple lors de la scène de la boutique de disque en attendant la venue de la steadicam très présente dans Shining. Orange mécanique est donc un assemblage de prouesses techniques avec également l'utilisation d'un nouveau système Dolby qui enlève la quasi totalité des perturbations sonores de la prise directe réalisée.

"L'idée centrale du film est une réflexion sur la question du libre arbitre. Perdons nous notre humanité si l'on nous retire la liberté de choisir entre le bien et le mal?" S.Kubrick à propos d'Orange Mécanique.

Malcom McDowell nous livre une interprétation exceptionnelle il fut d'ailleurs un créateur pour Orange Mécanique. Il improvisa certaines scènes, il eut d'ailleurs l'idée de siffler "singin' in the rain" lors de la scène du viol. Les costumes et accessoires du film portés par le gang (= chapeau melon, longs cils,...) montre un certain dandysme anglais qui se mélange à l'ultra-violence.

Le personnage d'Alex est l'incarnation du mal mais au fur et à mesure que le film avance, lui qui fit tant de mal nous donne un sentiment de pitié. C'est finalement le renversement de rôle du personnage qui devient intéressant: il était meurtrier et devint victime ou était-il plutôt deux fois victimes de la société? Il est le rat de laboratoire qui va tester la thérapie.

Orange mécanique est un film très riche du point de vue cinématographique mais le sujet abordé me parait plus qu'intéressant car celui-ci est toujours d'actualité. Kubrick, le génie avant-gardiste,su témoigner avec poigne,grâce à ce film, les dérives d'une société peu juste dans laquelle on vit où le profit, l'exclusion, et le malaise prédominent.