Un grand classique que l'immense mérite d'avoir bien vieilli permet de placer parmi les grands Kubrick, notamment grâce à un travail remarquable d'esthétique qui, sans être dénué tout à fait de lourdeurs (à la dixième écoute on commence à se lasser de la Neuvième de ''Ludvig van''), permet de hisser le film bien au-delà des quelques références à la culture contemporaine de sa réalisation. Le rythme alerte, notamment dans une première partie magistralement chorégraphiée, l'originalité de la mise en scène contribuent autant à en faire une réussite que le flou intéressant sur la frontière entre comique et tragique par exemple. Si l'histoire est basiquement anti-manichéenne, nous faisant prendre parti contre puis pour le personnage principal (d'ailleurs très bien interprété par Malcolm MacDowell), dans une division très nette du film en deux parties, le film sait rester constamment assez intelligent pour ne jamais basculer dans le lieu commun et bien porter une virulente critique de la société, des monstres qu'elle engendre et des monstres qui l'engendrent, dans un cercle vicieux caricatural qui n'est pas loin de faire penser aux miroirs déformants de Brecht : exagérer la réalité pour que l'on s'y reconnaisse. Difficile avec tant de qualités de ne pas regretter qu'Orange mécanique soit par instants, et tout particulièrement dans la deuxième moitié de la première partie et la première de la deuxième, si complaisamment répétitif. Ce défaut nuit en partie à l'agrément que l'on peut trouver au film, mais n'empêche pas d'admirer l'incroyable variété de la production de Kubrick, dans ses sujets comme dans leur traitement, et qui constitue sans doute l'un ses principaux traits de ''génie'' : Orange mécanique paraît en effet bien mieux annoncer Requiem for a dream qu'il ne semble appartenir à l'œuvre du créateur de 2001, Barry Lindon, Shining ou Eyes Wide Shut!
(critique de 2012)