De Paradise hills tourné en anglais par Alice Waddington (espagnole, comme son nom ne l’indique pas), qui en signe également le scénario, retenons avant tout la séquence d’ouverture. A la réception de mariage de la belle Uma (Emma Roberts), tout respire la démesure. Dans un décor flamboyant, Uma prend le micro pour une chanson à la gloire de son mari. Avec une voix digne de Céline Dion, elle enflamme l’assemblée tout en étant au centre d’une chorégraphie qui met le feu à l’écran (couleurs éblouissantes et un mouvement tournoyant mettant en valeur le travail de mise en scène qui ne peut que marquer les esprits). Attention aux paroles quand même. Si l’accent porte sur la passion, elles mettent en garde le mari devant le moindre écart. Cette séquence reviendra à la fin, sous un autre angle apportant une toute autre vision de l’événement.


L’essentiel du film se passe dans une sorte d’institut très huppé, situé sur une île inaccessible, où des jeunes femmes de (très) bonnes familles viennent séjourner pour une sorte de cure. Uma s’y réveille sans savoir comment elle y est arrivée. Où est-elle ? Au Paradis lui dit-on (d’où le titre du film). Son premier tête-à-tête avec celle qui dirige l’établissement (Milla Jovovich) nous apprend ce qu’elle y fait : elle va apprendre à mieux apprécier Fils (Arnaud Valois) et oublier son amour pour Markus (Jeremy Irvine), car sa famille (sa mère surtout) a décidé qu’elle épouserait Fils. Uma appartient à une famille de « nantis » en réalité désargentés qui pourrait retrouver son rang avec ce mariage. On est donc en plein dans une intrigue digne des romans sentimentaux du XIXe siècle, alors que la mise en scène vise plutôt du côté d’un fantastique léger. Les décors cherchent à en mettre plein la vue (aux patientes comme aux spectateurs), pour inciter ces jeunes femmes à réaliser la chance qu’elles ont de baigner dans un tel luxe. On compte visiblement sur la « tendance naturelle » des femmes à se délecter de tout ce qui brille pour les convaincre. Des clichés qui pourraient faire hurler les féministes. Heureusement, on comprend assez rapidement que ces clichés apparaissent surtout pour être détournés : mesdemoiselles (mesdames), que vous aimiez le luxe, les couleurs et la lumière (la musique, le mouvement) n’est pas un défaut majeur, mais apprenez tout de même à vous méfiez des apparences (surtout si elles sont trop belles), au risque de perdre votre liberté.


A l’institut, Uma dort dans la même chambre que Chloé (Danielle Macdonald, vue récemment dans le court Skin dont une version longue est d’ores et déjà programmée) et Yu (Awkwafina), dans des lits aux formes et couleurs franchement séduisantes. Ces demoiselles vont rapidement sympathiser avec Amarna (Eiza Gonzalez), brune explosive au charisme de star de la chanson.


Les décors restent grandioses (pour ne pas dire délirants par moments), toujours très colorés et l’ambiance y gagne, notamment grâce à une musique qui accompagne chaque scène, jusqu’à devenir envahissante voire écœurante. Si Amarna prétend être là de son plein gré, Chloé et Yu sont comme Uma, prises en otages. Malgré cet étalage de luxe sirupeux, elles doivent absolument satisfaire à certaines exigences. Ainsi, l’institut met le paquet, comme la réalisatrice avec sa mise en scène. Le clou du spectacle vient avec un passage obligé sur un cheval de bois issu d’un manège où chacune passe, bien attachée, pour visionner une sorte de clip de conditionnement.


Et puisque Uma, Chloé et Yu mangent ensemble, elles copinent très rapidement, tout aussi naturellement qu’Amarna s’intègre au groupe. La solidarité féminine fait son œuvre, sans surprise. Résultat, un groupe soudé, avant tout pour supporter les épreuves. A noter que l’institut emploie des hommes, uniquement pour faire sentir que se rebeller ne sert à rien. Au moindre incident, ils viennent faire usage de leur force pour rétablir l’ordre. Un ordre établi par la directrice qui se comporte comme la mère supérieure d’un couvent.


Là où le film montre ses faiblesses, c’est en laissant une trame somme toute assez classique se mettre en place, avec un groupe qui s’organise pour échapper au conditionnement. Tout se passe finalement comme dans un conte et l’originalité passe avant tout dans la mise en scène, plutôt que dans l’étrangeté du lieu et des situations. Trop de détail vont dans le sens de la démythification du romantisme pour hasarder un parallèle précis avec d’autres films, c’est la force de celui-ci. Pas tant de surprises au niveau du scénario, juste de la démesure dans les décors et la mise en scène. Heureusement, le final vient apporter le vent de folie que le début laissait espérer.


L’ensemble affiche une tonalité hyper féminine, dans la conception du scénario (le mariage, sujet indémodable), les choix de couleurs et éclairages, les décors et costumes. La mise en scène ose la démesure sans le moindre complexe.


Le film marque donc par quelques séquences et une mise en scène mettant en valeur une réelle démesure dans les décors. Beaucoup de mouvement (trop peut-être), même si la fuite en forêt apporte son lot de surprises hautes en couleurs. L’affiche présentée actuellement ne fait qu’illustrer le casting. Elle ne reflète absolument pas le contenu du film, encore moins l’originalité de sa mise en scène. Il serait étonnant qu’au moment de la sortie en salles, le distributeur ne propose pas quelque chose de plus représentatif et accrocheur.


Film vu le 8 septembre 2019 à l’Etrange Festival (Paris : Forum des Images).

Electron
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le 28 nov. 2019

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