Remake audacieux du polar d’Alain Corneau “Crime d’amour”, une belle série noire sortie en 2010 avec Ludivine Sagnier en rôle-titre. J’avais beaucoup aimé cette version. Brian De Palma veut en faire quelque chose de plus glamour, de plus obsessionnel, d’une cruauté plus vivace et plus amoralement incorrect. De cela on ne s’en étonnera pas de sa part : mais il en fait également quelque chose de plus étrange et transforme la nature de l’oeuvre originale : ce n’est pas un simple polar noir, c’est une histoire qui prend pourtant corps dans l’hyper-réalité (le contexte professionnelle d’une agence publicitaire) mais où tout est ingénieusement mis en oeuvre pour que l’on perde rapidement pied entre réalité et fiction au point que l’on ne sait plus où se trouve la vérité, perdu dans ce jeu d’image.
Ce jeu au coeur du film est précisément plutôt réussi, même si le film souffre d’imperfections, davantage dans la narration que dans l’image, cette dernière étant sublimée comme lieu à la fois sacré et maudit d’où tout découle. Ici tout se passe dans la représentations. A commencer par les protagonistes qui travaillent dans la publicité : monde d’asservissement de l’esprit par le biais de l’image. Tant Rachel Mc Adams que Noomi Rapace incarnent bien ces rôles de poupées à la fois artificielles et humaines, aliénées par les apparences mais pouvant également en être victimes, plastifiées mais pouvant encore être brisées.
L’usage tyrannique des images est détourné, frôle la perversion érotique au début puis devient rapidement mesquin, les images deviennent l’arme de l’affrontement entre Christine et Isabelle, une sorte de filtre ou de masque (qui ne tarde pas à tomber) de leur pulsion les plus sombres. Le film cruel mis en abyme des histoire de jalousies : sexuelles, professionnelles, sentimentales. Brian De Palma complexifie l’histoire et introduit un nouveau personnage pour brouiller l’intrigue et réécrire le scénario pour y introduire une narration personnelle. Lorsque Isabelle assiste à la représentation du poème de Stéphane Mallarmée L’après-midi d’un faune (succession d’image poétique) mis en scène et que l’on assiste en même temps à la dernière soirée de Christine, on perd une nouvelle fois pied entre ce qui est et ce qui est censé être, le film ne cesse de nous perdre sans jamais lui perdre le fil de son récit ni de sa procédure cinématographique qui fonctionne au-delà des apparences et pour le moins à merveille.