Formidable thriller érotique signé De Palma. Noomi Rapace et Rachel McAdams sont parfaites.

Brian De Palma renoue avec son style des années 70 et nous livre un thriller érotique formidable. Voilà une nouvelle preuve de son talent et de sa maîtrise de l'illusion. Noomi Rapace et Rachel McAdams sont parfaites.

"Passion" n'est pas le genre de films auxquels le public d'aujourd'hui est habitué, même si le scénario est celui d'un thriller comme beaucoup d'autres, qui plus est le remake d'un film existant déjà ("Crime d'Amour"). Jouissant d'une liberté d'action totale, Brian De Palma s'emparre de l'histoire et la remanie à sa façon, en utilisant l'image et la musique comme alliés de prédilection pour faire de "Passion" ce qu'il est, à savoir un sublime thriller à mi-chemin entre Hitchcock et le "Mulholland Drive" de David Lynch, qui nous manipule du début jusqu'au final, grandiose à souhait.

Le film commence avec des scènes très posées et des valeurs de cadres très basiques. Nous y découvrons deux femmes : Isabelle (Noomi Rapace) qui travaille dans une agence de publicité, et Catherine (Rachel McAdams), qui est sa patronne. Les deux femmes développent des relations très complexes, pas toujours évidentes à saisir. Le terme "passion" s'emploie ici correctement étant donné que toutes deux ne s'aiment pas vraiment, mais vouent plutôt une passion pour l'autre, que cette passion soit prospère... ou dévastrice. Ces relations évoluent également en fonction de leur entourage et des personnes que les deux femmes cotoyent.

Si le début du film s'avère très sobre, un peu décevant, et que certaines images ou musiques paraissent inappropriées ou fort conventionnelles, frisant le vieux-jeu, c'est dans la deuxième partie que tout prend forme. Catherine est assassinée chez elle et Isabelle est accusée du meurtre. C'est à cet instant que l'on se rend compte que Brian De Palma n'a rien perdu de son pouvoir d'illusion. Le restant du film nous réserve bien des surprises et des retournements de situations. De Palma ne fait que nous induire en erreur et nous manipuler sans arrêt, de la même manière que les personnages du film s'entre-manipulent constamment, dévoilant à chaque instant leur visage derrière le masque, qu'il s'agisse d'un vrai masque ou d'un figuré.

C'est là également que le style du réalisateur s'envole. Ses caméras de travers, la couleur bleutée des images, le split screen, la musique de Pino Donaggio (avec qui il a tant collaboré)... des méthodes qui pourraient paraître ridicules entre les mains d'un réalisateur quelconque mais qui trouvent tout leur intérêt avec De Palma. Après tout, ces méthodes sont celles de toute sa carrière... De Palma orchestre d'une main de maître ce film qui, après un long moment où rien ne se passe, se met à bondir dans tous les sens et à se transformer en cauchemar, avant de parvenir à une sublime scène finale, bien tragique comme De Palma les aime tant.

Parfois malheureusement, De Palma sans doute trop confiant de son style, "Passion" prend des allures trop 'orchestrées', trop 'mises en scènes' et délaisse quelque peu l'histoire pour se concentrer uniquement sur le style. Ce constat peut être appliqué également au jeu des actrices. Noomi Rapace et Rachel McAdams, auxquelles peut se rajouter Karoline Herfurth, qui tient également un rôle important dans le film, sont tout à fait excellentes dans leurs rôles, mais on peut sentir par moment un surjeu dans leurs expressions et gestes. Le perfectionnisme de De Palma le pousse ainsi donc à exagérer son style qui, par moments, devient carricatural et quelque peu maladroit.

Ces petits inconvénients n'ôtent cependant pas la force d'expression de quelques scènes du film, parmi lesquelles on retrouve, outre la séquence finale, celle du premier baiser entre Catherine et Isabelle, ou encore la monumentale scène de crime en split screen, avec d'un côté Isabelle assistant à une pièce de théâtre et de l'autre Catherine allant prendre sa douche sans se douter de ce qui l'attend. Si le film peut nous évoquer les thrillers hitchcockiens, on retrouve cependant une part importante de fantastique dans tout le film, une dimension cauchemardesque qui se rapproche d'avantage du cinéma lynchéen. On pourrait aisément comparer la relation entre Catherine et Isabelle avec celle des deux protagonniste de "Mulholland Drive". On retrouve dans les deux films ce thème de l'amour saphique passionnel destructeur – et même autodestructeur – auquel se rajoute une part importante d'érotisme. Là encore, De Palma renoue avec des thèmes qu'il a déjà abordé.

En fin de compte, toute cette aventure relationnelle qui vire au cauchemar sera parvenue à nous captiver du début jusqu'à la fin. Si le film commence calmement et que certains éléments paraissent dérisoires, il finit toutefois par s'envoler lors de moments-clés avant d'atteindre son meilleur niveau à la fin. Si la 'passion' se montre au final un peu absente au début, l'illusion finit par l'emporter pour laisser place à un thriller très efficace, voyageant entre cauchemar et réalité, entre masques et vrais visages, durant les dernières quarante minutes. A voir !
Ciné-Look
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le 12 juil. 2013

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