Sans doute mal réveillé, en écoutant l’interview de Lætitia Dosch sur la matinale de France inter je me suis dit que ce serait une bonne idée d’aller voir Passion Simple. J'ai rapidement déchanté. Il s'agit d'une adaptation d'un roman d'Annie Ernaux réalisée par Danielle Arbid. La grande promesse marketing de l'entreprise était d'enfin avoir le point de vue d'une femme sur une romance. De se mettre à sa place, de voir à quel point elle pouvait désirer, sans complexe. Il ne s'agira pas ici de débattre des qualités du roman que je n'ai pas lu, mais de juger du film qui en est issu. Et pour dire les choses clairement, difficile de regarder ces 1h40 de film sans fleurter dangereusement avec la misogynie.


Là où nous attendions de l'émancipation, nous contemplons de la soumission. Là où nous attendions de la liberté, nous trouvons de la dépendance. Là où nous attendions du pouvoir, nous trouvons de la servitude. Et pourtant, le personnage principal est tout sauf le prototype d'une femme soumise et naïve. Il s'agit d'Hélène Auguste (excellente Lætitia Dosch) , divorcée, mère d'un enfant et professeur de littérature à l'université de la Sorbonne. Cependant, le bel Alexandre, diplomate russe tatoué au corps de rêve (robotique Sergei Polunin), va la faire totalement dérailler.


On se demande alors quel est le but de ce film, les scènes de sexe s'enchaînant avec des dialogues parfois gênants. Là où Alexandre dira de façon très romantique "Fucking you is amazing.", Hélène gémira "Je t'aime" essayant désespérément d'atteindre les lèvres et capter le regard de son amant. Plus le temps passe, plus Hélène est manipulée, plus elle est traitée comme un objet et plus elle en redemande. Plus Alexandre la néglige, plus elle est amoureuse. Pourtant, le voir débarquer pour la posséder à la hussarde sur le coin d'une table évoque tout sauf la passion. Au gré du film, les galipettes s'enchaînent dans toutes les positions possibles et imaginables mais sans jamais aucune tendresse de la part du russe. Fort heureusement, lorsque le manant ose faire une remarque sur les vêtements de sa maîtresse qui la feraient ressembler à une pute, celle-ci montre enfin un peu d'orgueil. Mais cet orgueil ne dure jamais tant ce personnage est faible et totalement à côté de la plaque. Une scène avec son ex mari vient d'ailleurs soulager le spectateur, quand ce dernier dit au personnage d'Hélène tout ce qu'on peut penser de son attitude. Tant sa passion irraisonnée prend le pas sur tout, même sur l'éducation de son fils.


La mise en scène ne sauve rien non plus. L'usage des gros plans sur les visages devenant rapidement redondant, même si Lætitia Dosch est très belle et offre beaucoup d'émotions à la caméra. Le gros plan fonctionne sur quelques scènes de sexe qui conservent de la pudeur malgré la nudité des acteurs, cependant, pour les dialogues, un peu plus d'inventivité n'aurait pas été de refus. La monotonie du sexe et de l'attente du sexe devient rapidement insupportable. La récurrence de certains plans (la voiture d'Alexandre dans le tunnel pour aller voir Hélène par exemple) tend à se demander si la réalisatrice a conscience que le cinéma est avant tout un art visuel.


Et pourtant, dans un dialogue, un propos pertinent est sous-jacent. A savoir que dorénavant, les femmes peuvent se prendre en main, choisir leur amant à leur guise, et surtout en changer lorsque cela ne va plus. Mais ce n'est pas parce que en 2021, ce discours devient majoritaire que ce n'était pas le cas auparavant. Pensons à la Dame aux Camélias de Dumas fils. Roman, bien qu'écrit par un homme, dépeignait le portrait de Margueritte, une femme libre. Ici, cette liberté n'existe que dans le cadre d'un dialogue mal filmé dans un bar entre Hélène et son amie. 


Propos vide de sens, mise en scène chaotique, protagoniste ridicule. Il a été difficile d'aller jusqu'au bout de cette séance tant la passion n'y était pas. La passion amoureuse, ce n'est pas cela. Ici, nous n'avons qu'aveuglement et bêtise.

Andika
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le 13 août 2021

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