La figure légendaire de Billy le Kid a marqué l'histoire du western hollywoodien, le personnage a été abordé de différentes façons dans plusieurs films, la plus célèbre étant celle de Arthur Penn en 1957 avec le Gaucher auquel la version de Peckinpah prenait le risque d'être comparée. Fasciné par le vérisme de la vie dans le Far West, par la violence qui marque cette époque, et par la légende du Kid, le réalisateur décide d'illustrer les 3 derniers mois de la vie de Billy ; en fait, le personnage principal n'est pas forcément Billy le Kid mais plutôt le sheriff Pat Garrett, et indirectement Billy évidemment puisque les 2 hommes furent amis avant leur ultime duel, les 2 personnages sont indissociables, leurs destins sont liés, et aucun cinéaste n'a raconté la vie de l'un en ignorant l'autre.
En cela, le film de Peckinpah se démarque de la version de Penn, ainsi que dans son approche de la violence. Garrett est présenté comme un pro de la gâchette, un pistolero froid, méthodique, hiératique, rusé et calculateur ; Billy est moins crispé, plus souriant, voire jovial, l'image est donc plus séduisante que celle qui nous a été donnée dans d'autres films. L'amitié pourtant très profonde entre Garrett et Billy n'est qu'effleurée par Peckinpah qui préfère s'attarder sur des détails surprenants avant de faire éclater la violence.
Cette touche personnelle qui confirme que le réalisateur a renouvelé le genre après des westerns comme Coups de feu dans la sierra, Major Dundee ou la Horde sauvage, a parfois comme un aspect shakespearien étrange, mais emprunt de fureur sauvage. Tout le film dans lequel une vaste galerie de personnages secondaires peuple un Far West crépusculaire, est une ballade de mort et de sang qui peut fasciner, et je le constate en voyant les notes favorables, sauf que moi je n'y adhère qu'à moitié parce que même si le western crépusculaire a de beaux fleurons, ici, le traitement de Peckinpah me laisse plutôt indifférent, il remet un peu trop les pendules à l'heure en montrant que les cowboys ne sont pas des héros mais des salauds.
Ce message n'avait également pas plu à la MGM qui avait écarté Peckinpah du montage final en 1973, époque où déjà le western était moribond à Hollywood, d'où une version dénaturée. Il faut donc voir la version final cut pour en apprécier l'authenticité et la brutalité, telle que l'avait voulu le réalisateur d'après les instructions laissées à son chef-monteur. J'approuve cependant le choix de Kris Kristofferson dans le rôle du Kid, et celui de James Coburn dans celui de Pat Garrett, car ça provoque une intense opposition entre les 2 personnages, accentuant l'idée d'un conflit générationnel. Dans le reste du casting, on trouve de nombreux bons acteurs de second plan comme Slim Pickens, John Beck, Richard Jaeckel, Luke Askew, R.G. Armstrong, Jack Elam, Katy Jurado, Jason Robards (dans le rôle du gouverneur Lew Wallace, l'auteur du roman "Ben-Hur"), le tout jeune Harry Dean Stanton, et même Bob Dylan, ami de Kristofferson qui à l'époque était comme lui chanteur de folk et de country.
Un western atypique, fascinant et puissant par ses alternances de scènes lentes et de scènes violentes dont l'ensemble donne de l'Ouest une vision qui ne me plait qu'à moitié.

Ugly
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films du Nouvel Hollywood, Westerns des années 70 et Les meilleurs films avec James Coburn

Créée

le 4 juil. 2018

Critique lue 547 fois

21 j'aime

11 commentaires

Ugly

Écrit par

Critique lue 547 fois

21
11

D'autres avis sur Pat Garrett et Billy le Kid

Pat Garrett et Billy le Kid
DjeeVanCleef
9

La Porte du Paradis.

Le grand Sam, réalisait en cette magnifique année 1973 son dernier vrai western. Lui qui des années durant, avait donné au genre quelques brûlots ( "Coups de feu dans la Sierra" en passant par "La...

le 21 févr. 2013

45 j'aime

8

Pat Garrett et Billy le Kid
Sergent_Pepper
9

Rancœur et déraison

S’emparer de la légende, et lui donner les marbrures du Requiem : tel est le projet de Peckinpah dans cette nouvelle version du célèbre duo fratricide de l’Ouest. Là où l’unité temporelle était plus...

le 21 mars 2017

40 j'aime

3

Pat Garrett et Billy le Kid
Torpenn
9

La Ballade Sauvage

Chant funèbre pour un gamin né trop tard, le film de Peckinpah, rythmé par les mélodies lancinantes de Bob Dylan, raconte toujours la même histoire... Dernier western du maître, ce magnifique face à...

le 3 janv. 2011

38 j'aime

7

Du même critique

Il était une fois dans l'Ouest
Ugly
10

Le western opéra

Les premiers westerns de Sergio Leone furent accueillis avec dédain par la critique, qualifiés de "spaghetti" par les Américains, et le pire c'est qu'ils se révélèrent des triomphes commerciaux...

Par

le 6 avr. 2018

121 j'aime

96

Le Bon, la Brute et le Truand
Ugly
10

"Quand on tire, on raconte pas sa vie"

Grand fan de westerns, j'aime autant le western US et le western spaghetti de Sergio Leone surtout, et celui-ci me tient particulièrement à coeur. Dernier opus de la trilogie des "dollars", c'est...

Par

le 10 juin 2016

95 j'aime

59

Gladiator
Ugly
9

La Rome antique ressuscitée avec brio

On croyait le péplum enterré et désuet, voici l'éblouissante preuve du contraire avec un Ridley Scott inspiré qui renouvelle un genre ayant eu de beaux jours à Hollywood dans le passé. Il utilise les...

Par

le 4 déc. 2016

95 j'aime

45