Tetra minos.

Il est toujours difficile de critiquer un film portant sur une personne tétraplégique, car c'est être taxé de sans-cœur. Et d'autant plus quand c'est porté avec sincérité ; c'est en l'occurrence une vision romancée de la jeunesse de Grand Corps Malade, ce chanteur qui s'est vu paralysé en faisant une bêtise, sauter dans une piscine où il manquait de l'eau. Le film raconte son histoire, avec une vision peut-être biaisée, mais qui sonne très juste, non seulement par la vision de la pathologie chez quelqu'un qui avait de grands espoirs dans le basket et aussi d'un point de vue professionnel, car j'ai été emmené à côtoyer des jeunes cloués dans des fauteuils roulants.
D'ailleurs, le travail des aides-soignants est bien montré aussi dans l'histoire ainsi que des kinés, afin qu'ils puissent, non pas courir comme des lapins, mais retrouver une forme de mobilité. Ce qui sera le cas de ce jeune homme, au départ paralysé, et qui va finir par se mobiliser suffisamment pour marcher avec une béquille et devenir le chanteur que l'on sait.

Donc du point de vue professionnel, c'est tout à fait juste, je ne 'ai rien à redire sur ce qu'on voit. Seulement, en voyant Patients, je vois un film, donc du cinéma, et il faut dire qu'il est très peu présent.
Ça passe par de grosses facilités comme l'enfermement du personnage au tout début, où on le voit de manière subjective, avec la vue qui se brouille et le son difforme. Mais aussi par la platitude de la mise en scène, où sous prétexte de deux-trois effets (et des ralentis ridicules, qui rappellent une pub pour le petit déjeuner), ça se veut brancher ; c'est ridicule et vieillot avant l'heure. Et enfin, et là, je trouve ça moralement plus discutable, c'est de présenter la pathologie de ce jeune homme, Ben, comme une épreuve presque positive et très propre. Ainsi, on le verra pas avec une poche urinale le long de sa jambe, ni la pose de protections, ou, et c'est vite suggéré, les escarres possibles en restant immobile aussi longtemps. Il y a une vision un peu angélique de la tétraplégie qui me dérange un peu, car pour en côtoyer, leur réalité n'est pas aussi rose que montrée dans le cas de Ben. A la rigueur, elle est visible chez un de ses camarades, qui est lui tétraplégique à la suite d'un accident de moto, et qui croit que sa colonne vertébrale va se remettre. Quand il apprend que ça n'est pas le cas, il s'enfonce dans une tristesse qu'on ne voit que trop peu.

L'ambition de Grand Corps Malade et de Mehdi Ihdir n'était sans doute pas de faire un documentaire sur les tétraplégiques dans un centre de rééducation, mais d'apporter sans doute quelque chose plus léger à quelque chose qui fait d'ordinaire peur. Quand en plus les vannes ne sont pas terribles (à base couilles à 80% du temps) et que la musique est nullissime, je suis partagé sur le résultat.

Bien sûr, je suis content de voir un tel sujet, car j'ai l'impression de voir quelque chose de mon quotidien, mais cette joliesse, cette forme presque comique me navre un peu. Dommage, car les comédiens, tous inconnus, y sont très bons, et justes dans leurs comportements.