Objectivement, j’ai jamais été fan de Grand Corps Malade, mais je le respecte beaucoup plus qu’un Abd Al Malik par exemple. J’avais vu en direct son premier passage télé chez Ardisson chez qui il avait jeté un slam sur Saint-Denis (quelle expression ignoble sans déconner), et j’avais été bluffé par son talent d’écriture. J’ai pas trop suivi ce qu’il a fait ensuite, en grande partie parce que je trouve le slam aussi chiant que de promener un chien empaillé au Bois de Vincennes, mais son 1er film semble prouver qu’il n’a rien perdu de sa plume au fil des années et que celle-ci transcende les supports avec brio.
Pour un premier film, Patients est une réussite qui évite tous les poncifs du genre. J’ai lu des critiques qui parlaient de Jamel Comedy Club version handicapés mais c’est de la flûte (surtout que le JCC version handicapés, bah c’est le JCC). Certes les mecs passent pas mal de temps à se charrier, mais on ne cherche jamais la grosse barre de rire. En vrai, on kiffe les persos, on se marre souvent, mais on n’est pas non plus devant un film de Michael Youn. Sans fausse pudeur et avec beaucoup de sensibilité, Grand Corps Malade nous montre une tranche de vie dans un centre de rééducation et progressivement, on comprend que le patients du titre concerne en fait la patience. Et là où c’est malin, c’est qu’il n’assène pas ça à coups de marteau.
Niveau réal, on a le droit à quelques idées de mise en scène plutôt sympa, notamment une belle séquence sur l’air de « Pas le temps pour les regrets ». Le choix de la musique en dit d’ailleurs long sur l’honnêteté de Grand Corps Malade. Il n’a pas voulu faire du clientélisme, il ne cherche pas à faire pleurer dans les chaumières, il raconte une tranche de vie avec une authenticité et une honnêteté qui forcent le respect.
Le handicap, la banlieue, la jeunesse, tout est dépeint avec une grande justesse, sans forçage, sans pathos, sans apitoiement, sans sentimentalisme, sans scènes feel-good.
L’un des grands problèmes du cinéma français, a toujours été de trouver l’équilibre entre le réalisme et ce qu’il imagine être le réalisme. Par exemple, les films qui se passent en banlieue, c’est soit on rigole pendant 2h avec des personnages pas loin d’être la version moderne du noir Banania, soit on déprime, terrassé par la grisaille de tours en béton où personne n’esquisse jamais le moindre sourire.
En un film Grand Corps Malade rappelle que la vie est toujours question de nuances, bien aidé en cela par un casting fait de nouvelles têtes qu’on espère revoir ailleurs parce que le talent est là.
Au final, on ressort de ce Patients avec une seule question : Grand Corps Malade saura-t-il relevé le défi du 2nd film avec un projet peut-être moins personnel ? On ne peut que le souhaiter au cinéma français.