Patlabor
6.9
Patlabor

Long-métrage d'animation de Mamoru Oshii (1989)

Remonter aux sources du travail de Mamuro Oshii permet de définir à la fois ses obsessions, qui traverseront la totalité de son œuvre, ainsi que son statut singulier : il s’attèle la plupart du temps à l’adaptation d’une œuvre antérieure (série animée ou manga) à laquelle il adjoint son esthétique et des réflexions qui lui sont propres.


Patlabor en est un bon exemple : dans cette énième incursion sur un futur proche nippon, des robots mécano (très proches de ceux de Pacific Rim) ont investi le monde du travail, et notamment un gigantesque chantier, une Babylone japonaise qui permet de coloniser l’eau pour gagner de l’espace. Mais certaines machines s’autonomisent et se transforment en agents du chaos.


Le scénario est rudimentaire, les enjeux transparents, notamment à travers la référence à l’Ancien Testament : de ces excès humains en terme d’expérimentation et d’ambition résultera un châtiment inévitable.


Les influences de l’animation nippone des années 80 sont nombreuses : une musique assez ringarde, un humour poussif, et distillé de façon régulière pour satisfaire tout le monde sans que ça ne convainque personne, et une esthétique souvent rudimentaire, dans laquelle les plans fixes semblent davantage obéir à des contraintes économiques qu’à une volonté d’auteur.
Il n’empêche : la mélancolie propre à Oshii infuse bien ce long métrage. Dans le regard qu’elle porte sur une humanité un peu perdue, et dans des thèmes qu’on retrouvera par la suite. On aurait pu s’attendre à ce qu’on aborde la conscience des robots autonomes, il n’en est rien : esclaves d’un ordre ou d’un autre, ils restent des amas de ferraille. Ce qui se joue, c’est la prise de conscience de certains des dérives possibles, et le silence maintenu par les enjeux militaro-industriels.


Au fil d’un investigation qui ressemble à une balade presque rousseauiste, sur les traces d’un ingénieur ayant déménagé 26 fois avant son suicide, les enquêteurs visitent une mégalopole qui s’auto-dévore pour mieux se reconstruire, devisent sur l’avenir et finissent par trouver leur réponse dans l’immatériel : des sons inaudibles pour l’être humain, et la force du vent.
Belles leçons, passant par la destruction d’une Arche qui disait depuis le début que le déluge était à prévoir.


Si l’on a encore du mal à dénouer les fils entre la commande un peu formatée (à l’image de ce final où l’on s’autocongratule de sa victoire) et l’œuvre personnelle, Patlabor creuse des sillons, et y plante ses graines malades dont l’éclosion est à venir dans la filmographie future du chantre de l’anticipation.


(6.5/10)

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le 2 avr. 2017

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Sergent_Pepper

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