Champs-Élysées, tapis rouge et photographes, champagne et macarons pour tout le monde. On peut sentir l'aura glorieuse qui entoure Spielberg, Tom Hanks et Meryl Streep alors que la machine promotionnelle et médiatique tourne à plein régime pour cette avant première française. Animant le live, les journalistes d'AlloCiné cabotinent. Tom quant à lui fait un peu le guignol, tandis que Steven et Meryl font acte de présence. Quelques questions/réponses rapides sur la réunion inédite de ces deux acteurs prestigieux, sur l'actualité des thématiques du film, et hop c'est plié on dégage. La foule est impressionnante de dévotion. Ce bon vieux Steven a quand même pu placer un magnifique "Vous m'applaudissez avant même d'avoir vu le film! " Et il a raison, Steven, méfions nous...


Un des journalistes AlloCiné aura eu le mérite d'annoncer la couleur en précisant que Pentagon Papers n'a pas la rigueur historique ni la complexité de Les hommes du présidents ou du plus récent Spotlight, en ventant la fluidité de l'intrigue et la lisibilité de la réalisation, et en louant la capacité de Spielberg à parler d'Histoire sans donner de cours d'Histoire. Il avait l'air d'en être tout à fait satisfait, et présentait manifestement cela comme quelque chose de positif et de rassurant. Même s'il est vrai que La Liste de Schindler, Munich ou Lincoln ne sont pas particulièrement des mauvais films dans leurs genres, j'étais fort inquiet.


Car c'est précisément ce que je reproche à ce film. N'ayant pas pour sujet véritable une enquête journalistique d'investigation et ne bénéficiant pas d'une réalisation documentaire, à l'inverse des deux films précités, Patangon Papers se débarrasse en effet de la complexité, mais aussi de la saveur, qui pourrait en découler : le travail laborieux de l'enquête, la recherche des sources fuyantes, le recoupement nébuleux des informations, le thrill des actions de terrain... Au point qu'on a jamais l'impression d'avoir mis les mains dans la merde avec les journalistes, d'avoir été le témoin de leurs méthodes de travail, d'avoir enquêté avec eux comme dans un bon policier. Ce n'est certes pas l'objet de ce film, mais on ne m'enlèvera pas que cette vision du film de journalisme est particulièrement pertinente et adaptée à son sujet. D'ailleurs, le Nerdwriter est du même avis.


L'affaire des Pentagon Papers en elle même a malheureusement plus à voir avec les dirigeants du Washington Post qu'avec quoi que ce soit d'autre. Être fidèle au Premier amendement au risque d'engager l'intégrité légale, morale et financière du journal ; Affirmer sa position de dirigeante du Post tout en étant dans l'ombre de son père et de son mari dans un monde phallocentré ; Savoir séparer ses relations personnelles avec les pouvoirs publics de sa vie professionnelle : voilà les thématiques véritables abordées. Et voilà comment un film, en choisissant de faire la part belle à la psychologie et aux états d'âme d'une poignée d'élites, peut finir par verser dans le drama et la posture. Voilà comment on peut en arriver à des scènes mielleuses et béates où le sous texte féministe est rabâché sans subtilité, et à des plans caricaturaux semi christiques, semi publicitaires où Meryl Streep rayonne aux yeux des femmes pour se retrouver noyée sous le regard inquisiteur des hommes de pouvoir. Just Hollywood being Hollywood...


Sur la forme, on peut reconnaitre la maitrise de The Entertainment King, à base de cuts intelligents et de travelling subtils. On retiendra la scène des téléphones publics, dans laquelle on retrouve furtivement le maitre de l'action : en contraste avec l'effervescence de la salle de rédaction, gros plan sur Bob Odenkirk au téléphone, cuts rapides sur les pièces qui tombent, voiture de police qui défilent dans la rue en plan large. On peut pourtant reprocher à la forme d'être globalement aussi lisse que le fond. Où sont passées les années 60? Où est le grain poussiéreux de l'image? Les plans s'attardant sur les costumes et les voitures d'époque, sur les rues de Washington? Les scènes d'introduction au Vietnam sont par ailleurs tout bonnement ratées, ce qui est décevant venant du père de Il faut sauver le soldat Ryan...

DoubleRaimbault
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le 14 janv. 2018

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