Steven Spielberg, immense cinéaste que l'on ne présente plus, a décidé de graver sur la pellicule le récit des Pentagon Papers.
Si l'histoire réelle a de quoi apporter la densité nécessaire au récit, la production a su incarner les personnages avec une actrice, Meryl Streep, et un acteur, Tom Hanks, de tout premier ordre. En effet, elle et il campent des protagonistes des plus convaincants dans les rôles de cette propriétaire du Washington Post et ce rédacteur en chef qui vont se retrouver face à un dilemme que doit rencontrer régulièrement la presse : publier ou pas des informations extrêmement sensibles à l'opinion publique.
Lors d'un conflit militaire, la question du secret défense est hautement dangereuse pour ceux qui souhaiteraient faire étalage des secrets celés par cette mention. Le journaliste, par définition et plus encore depuis cette affaire, est le rempart (4ème pouvoir diraient d'aucuns) contre les dérives du pouvoir politique. Il n'est que voir les restrictions drastiques de la liberté d'expression (Turquie par exemple en ce moment) lorsqu'un dirigeant veut s'arroger un pouvoir encore plus absolu. Dans ce Pentagon Papers, le spectateur est plongé dans une époque pas si lointaine où la presse et le pouvoir politique des Etats-Unis faisaient preuve de collusion plus souvent qu'à leur tour (qui a dit comme en France ?). Les pressions que subit le personnage incarné par Meryl Streep sont à cet égard proprement énormes.
D'autant plus énormes que le film aborde la question de la place de la femme qui dans ces années-là, et bien davantage qu’aujourd’hui, voyait le statut de la moitié de l'humanité y compris dans les pays occidentaux, comme celui d'une gentille épouse au foyer qui ne devait pas se soucier de questions d'hommes mais plutôt de tâches domestiques. La scène de la fin de repas où ces dames quittent la table pour laisser ces messieurs parler politique est tout bonnement édifiante. Meryl Streep joue avec subtilité cette propriétaire de journal qui reste très souvent en retrait de mâles dominants détenteurs de la vérité avant de finalement s'affirmer de belle manière vers la fin du récit.


Il s'agit donc là d'un film captivant, bien tourné, qui traite de sujets dont la pertinence demeure plus que jamais d'actualité. Il n'est que de constater, dans ces mêmes Etats-Unis de 2018, comment l'actuel président du peuple américain traite de "fake news" toute information qui ne lui convient pas. La liberté d'informer les peuples, durement acquise et inscrite dans le premier amendement de la constitution américaine, est encore et toujours battue en brèche. Pire encore, alors qu'à l'époque (années 70) elle bénéficiait d'un véritable crédit auprès de la population, elle fait aujourd'hui l'objet d'une défiance croissante et la désinformation règne en maîtresse sur les cerveaux de bien des utilisateurs de réseaux sociaux. Ce film est là pour rappeler que des femmes et des hommes désintéressés risquent leur liberté, voire leur vie, pour nous apporter de quoi réfléchir sur l'état du monde. Ce film méritait bien un grand réalisateur comme Steven Spielberg pour s’atteler à la tâche...

Apostille
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le 3 févr. 2018

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