Le goût des bonbons à la menthe poivrée

Dire que cette merveille dormait sur les rayons de ma bibliothèque, oubliée depuis plus de 10 ans jusqu'à ce que, hier soir, je tombe dessus... et découvre, estomaqué, une nouvelle oeuvre maîtresse du cinéma coréen ! Réalisé par Lee Chang Dong, également responsable des honorables "Secret Sunshine" et "Poetry", ex-ministre de la culture, "Peppermint Candy" nous offre une exploration rétroactive de la psyché d'un être profondément malheureux, torturé, à la recherche - illusoire, on le verra - des raisons de son malheur, qui est en même temps une radiographie discrète des maux dont souffre la Corée toute entière, illustrés comme en passant par des moments-clé où les convulsions d'une nation se matérialisent par de nouveaux tourments dans la vie de notre "héros" : massacres des étudiants, règne de la dictature et de la corruption, crise économique... L'idée géniale du film, ce n'est pas la structure faussement maligne d'une remontée dans le temps entrecoupée de scènes suspendues d'un train reculant dans le paysage coréen (... encore que ce mécanisme un peu maniéré stimule évidemment la curiosité du spectateur). Non, c'est plutôt de centrer le film sur un personnage antipathique, voire haïssable, ou en tous cas souvent méprisable, porté courageusement - encore qu'avec un brin occasionnel d'hystérie - par un Sol Kyung-Gu parfaitement crédible à tous les âges (les scènes s'étalent sur 20 ans, du pique nique "final" au pique nique inaugural). "Peppermint Candy" s'avère une succession subtile de moments émotionnellement forts, soit dans le déchirement soit dans la mélancolie : le tour de force du film est alors de nous laisser penser un instant que l'origine du Mal (qui ronge notre héros comme le pays tout entier) se trouve dans la violence contre la démocratie, alors que la dernière scène, magique, révèle toute la vanité des explications psychologiques (ou politiques) rassurantes. Non, la fêlure est en nous, depuis toujours, inexplicable, terrible. "Peppermint Candy" est un chef d'oeuvre, oui. [Critique écrite en 2016]

EricDebarnot
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les films beaux mais tristes

Créée

le 4 oct. 2016

Critique lue 917 fois

20 j'aime

2 commentaires

Eric BBYoda

Écrit par

Critique lue 917 fois

20
2

D'autres avis sur Peppermint Candy

Peppermint Candy
Sergent_Pepper
8

Rebours vers le futur

A l’idée commune qui voudrait qu’on voie défiler sa vie devant ses yeux lorsqu’on la quitte, Lee Chang-Dong répond par un dispositif singulier et tout à fait pertinent. Peppermint Candy retrace toute...

le 26 août 2018

25 j'aime

3

Peppermint Candy
EricDebarnot
9

Le goût des bonbons à la menthe poivrée

Dire que cette merveille dormait sur les rayons de ma bibliothèque, oubliée depuis plus de 10 ans jusqu'à ce que, hier soir, je tombe dessus... et découvre, estomaqué, une nouvelle oeuvre maîtresse...

le 4 oct. 2016

20 j'aime

2

Peppermint Candy
Amethyste
9

Retour vers le futur.

La narration de Peppermint Candy est brillante. Il faut dire que sous sa narration et sa direction, se cache Chang-dong Lee qui est avant tout un écrivain et on sent bien la plume d'un excellent...

le 28 févr. 2014

16 j'aime

3

Du même critique

Les Misérables
EricDebarnot
7

Lâcheté et mensonges

Ce commentaire n'a pas pour ambition de juger des qualités cinématographiques du film de Ladj Ly, qui sont loin d'être négligeables : même si l'on peut tiquer devant un certain goût pour le...

le 29 nov. 2019

204 j'aime

150

1917
EricDebarnot
5

Le travelling de Kapo (slight return), et autres considérations...

Il y a longtemps que les questions morales liées à la pratique de l'Art Cinématographique, chères à Bazin ou à Rivette, ont été passées par pertes et profits par l'industrie du divertissement qui...

le 15 janv. 2020

190 j'aime

104

Je veux juste en finir
EricDebarnot
9

Scènes de la Vie Familiale

Cette chronique est basée sur ma propre interprétation du film de Charlie Kaufman, il est recommandé de ne pas la lire avant d'avoir vu le film, pour laisser à votre imagination et votre logique la...

le 15 sept. 2020

184 j'aime

25