Au clair de la lune :
"Perdrix" est une histoire insolite, pleine de fantaisie, où un Pierrot lunaire (Pierre Perdrix) se dévoue à sa famille, en particulier à sa mère Thérèse, veuve inconsolable, mais grande consommatrice d'amants éphémères. Chouchou de sa mère, Pierrot (Swann Arlaud) passe à côté de sa vie d'homme quand Juliette, en rupture de ban, débarque dans sa ville. Une des nudistes révolutionnaires du coin, qui détroussent les passants au nom de leur philosophie du dépouillement, vole sa voiture. Situation absurde ? Oui, mais possible et à partir de là tout s'enchaîne.


Mon ami Pierrot :
Le capitaine de gendarmerie Perdrix recueille la plainte de Juliette (Maud Wyler) avec une lunaire nonchalance. Va-t-elle retrouver sa voiture ? Peut-être, avec beaucoup de chance... Cela enrage la jeune femme qui comptait sur davantage d'énergie. Electron libre depuis l'âge de seize ans, elle a perdu dans sa voiture-domicile tous les cahiers sur lesquels elle racontait sa vie ! Sa mémoire s'est volatilisée dans le vol...


Prête-moi ta plume pour écrire un mot :
Pierrot en bon gendarme préfère les joies de la procédure, tapée sur son ordinateur. Cette Juliette l'intrigue, comme le char d'assaut garé à l'entrée de la gendarmerie... Les situations cocasses s'enchaînent, comme les dialogues drolatiques. Tous les seconds rôles sont excellents, y compris les gendarmes : comment interroger un voleur nudiste qui rejette tout uniforme ? Juliette continue à écrire sa vie et Pierrot décide de l'aider malgré ses initiatives loufoques ou borderline. Amoureux, il relis les poèmes de Novalis, dont il connaissait certains par coeur...


Ma chandelle est morte, je n'ai plus de feu :
Nomade rebelle à tout attachement, Juliette s'incruste dans la famille Perdrix, où elle multiplie les provocations. Chacun y poursuit ses lubies. Thérèse (Fanny Ardant) joue les prêtresses de l'Amour romantique sur une radio libre. Juju, le frère de Pierrot, s'acharne à faire connaître les vers de terre, dont il est un spécialiste... (Nicolas Maury est impayable dans sa marre en défenseur des lombrics). Sa fille Marion rêve d'être championne de ping-pong et se plaint d'être incomprise... La famille Perdrix n'a plus de feu depuis la mort du Père, dont Thérèse assure un culte morbide. Un ton à la Bertrand Blier, où le nonsense, l'humour, la nostalgie se mêlent, transcende cette situation familiale.


Ouvre-moi ta porte pour l'amour de Dieu :
Juliette découvre que Thérèse est momifiée dans le souvenir d'un mari mort depuis plus de vingt ans... Va-t-elle s'adapter à une famille aussi spéciale ? "Perdrix" ou rire de perdre le Père. Le scénario ciselé est truffé de citations de Freud, de Lacan, ou de Fernando Pessoa. Le rythme et le plaisir du réalisateur et des comédiens fait passer du rire, à la réflexion ou à l'attendrissement.


Pour ma part, je ris beaucoup à cette histoire bizarre et fantaisiste, où la manière de raconter importe au premier chef. Comiques de situations et de caractères se renforcent mutuellement. La beauté des paysages des Vosges ancrent certaines situations absurdes dans une réalité géographique féconde. La reconstitution comique d'une bataille de la seconde guerre mondiale s'avère savoureuse. Dommage que l'histoire d'amour (romantique selon l'expression d'Erwan Le Duc), longtemps stimulante, se termine de façon conventionnelle.

lionelbonhouvrier
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le 10 août 2019

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