Phantom thread est un film qui, malgré son schéma de base classique de la jeune femme rencontrant un homme riche, maître de son univers, expérimenté, et, surtout, particulier, arrive à se démarquer, comme tout film de Paul Thomas Anderson, par sa mise en scène, le traitement de ses personnages et ses dialogues.


On pourrait penser qu'il ne se passe pas grand chose dans ce film si l'on n'est pas réceptif à sa proposition, il pousse la retenue très loin, et ici, à l'image du personnage de Mr.Woodcock et de son travail, tout réside dans le détail. Dans le détail des dialogues, de leurs sous-entendus etc. Ici, rien n'est laissé au hasard, chaque réplique est révélatrice d'un comportement, d'un sentiment et en dit long sur la psychologie des protagonistes. Dialogues qui, à quelques occasions d'ailleurs, bien que cachés derrières des formules de politesses, peuvent être d'une grande violence. Les échanges dans ce film ont toujours un impact notable sur la suite de l'histoire et sur l'évolution des relations entre les personnages.


Le détail est vraiment le mot qui représente parfaitement ce qu'est le film. Le détail du jeu des acteurs, de leurs légers changements d'attitude au cours du film, le détail de leurs regards, de leur diction, de leurs postures… Voilà un film qui ne pourrait pas exister s'il n'était pas porté par des acteurs excellents, les personnages y sont trop importants, ils sont tout dans ce film et DDL livre ici une performance encore une fois irréprochable et remarquable, dont le travail de composition reste épatant film après film.


La mise en scène d'Anderson est d'une justesse totale ; vertigineuse et maîtrisée en tout point. le cadrage du film offre des plans impériaux, les images d'apparence sobre sont magnifiques et élégantes et la pellicule est ici d'une importance non négligeable tant le grain qui la caractérise est central dans l'esthétique du film. La lumière est aussi utilisée avec inspiration, et le tout donne une photographie agréable et chaleureuse qui correspond à merveille au contexte du film. Du blanc éclatant, aux teintes parfois jaunes/jaunâtres, les couleurs sont ici toujours utilisées intelligemment. Tout dans ce film pourrait être sujet à analyses, à réflexions, à études, on est devant une œuvre qui a la richesse et l'ampleur des grands classiques du cinéma et dont les inspirations venues de la littérature semblent évidentes. La cohérence de la mise en scène est admirable, chaque coupe est réfléchie, chaque mouvement l'est aussi. Ici, tout correspond à une grammaire visuelle, à une logique implacable. La symbolique est omniprésente et permet au film d'aborder ses thématiques dont le rapport à la mère, mais aussi et surtout comme beaucoup des films de PTA il est question ici de dévotion, de dévotion totale et profonde. C'est cela qui est exploré, qui est creusé dans ce film. Reynolds est dévoué à sa passion, sa passion est tout ; Alma est dévouée à Reynolds, qui est tout pour elle. L'équilibre sera dur à trouver pour les deux personnages ; entre l'amour, la passion, les sacrifices etc.


Phantom Thread est une œuvre complète, riche et profonde, aux personnages fascinants dont les relations sont complexes et développées via des dialogues percutants, des joutes verbales jouissives. Phantom Thread est un film qui possède la grandeur des film d’antan et la modernité du nouveau cinéma. C'est une œuvre inédite qui explore de façons jamais vue ce thème si célèbre et qui est la cible première de l'art depuis son existence: L'amour.

-Valentysse-
9
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le 28 juil. 2018

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-Valentysse-

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