10 ans après There Will be Blood, Paul Thomas Anderson et Daniel Day-Lewis se retrouve pour une nouvelle collaboration artistique des plus exquise. Phantom Thread est une oeuvre séduisante, dans laquelle, les deux hommes vont à nouveau exceller et nous permettre de découvrir la savoureuse Vicky Krieps, à travers une histoire d'amour particulière.


Reynolds Woodcock (Daniel Day-Lewis) est un grand couturier. Il est très courtisé par les femmes de Londres, mais aussi, d'autres pays européens. Ce dandy anglais est un homme solitaire, dont la vie est réglée au millimètre près. Il compose ses œuvres dans le plus grand des silence, tel un moine dans un monastère. Il ne supporte pas la moindre contrainte, changement ou remarque. Tel cerbère, sa sœur Cyril (Lesley Manville) veille sur son bien-être. Elle régit la maison de couture, pendant que l'artiste se dévoue corps et âme à ses œuvres. Après avoir finit la conception d'une robe pour une de ses célèbres clientes, il se coupe à nouveau du monde, en partant s'isoler dans une petite ville où se trouve leur maison secondaire. C'est en ce lieu, qu'il va faire la rencontre d'Alma (Vicky Krieps), dont il va tomber sous le charme dès le premier regard. La romance ne va pas se dérouler selon les conventions habituelles, l'homme est à part, mais la femme n'est pas en reste.


Un homme, une sœur et une femme. Reynolds ne s'entoure que de femmes, mais ne voue un attachement des plus viscérale qu'à Cyril. Il se lasse de ses jeunes conquêtes, auxquelles il ne laisse que peu de place dans sa vie. Ses robes passent avant tout, c'est sa raison d'être et de vivre. Alma va devenir sa nouvelle partenaire, une sorte de muse, avant de se fondre au sein des autres employées de la maison de couture. Elle semble n'être qu'une de plus, mais la jeune femme est amoureuse, jalouse et possessive. Seule la mort peut les séparer, à moins qu'elle ne renforce leur amour.


L'homme est fort, la femme est fragile. De tout temps, on tente de nous faire croire cela. Au cours de la première soirée avec Reynolds, Alma tente de bousculer doucement le dandy, en lui disant que sa force est une façade. Le couturier, sûr de son fait, déclare être fort. Au premier abord, cet échange semble anodin. Pourtant, il installe un rapport de force entre les deux personnages. Il est le dominant, elle est sa soumise. L'apparition soudaine de Cyril, confirme l'ascendant pris par Reynolds sur la jeune femme. Alma semble pris au piège et sa veste rouge, lui donne des allures du petit chaperon rouge venant de se jeter dans la gueule du loup. A l'image de l'intrigue, le rapport au sein du couple va évoluer. Le temps va faire son oeuvre, Alma va utiliser les faiblesses de Reynolds et s'en servir contre lui. L'homme n'est pas aussi fort qu'il veut bien le croire. Elle va le provoquer et le déstabiliser, jusqu'à ce qu'il s'avoue vaincu. Cette inversion des rapports est salutaire pour chacun, même si on s'attend à ce que les événements prennent une autre tournure. Car nous ne sommes sûrs de rien, face à ce combat silencieux entre cet homme et cette femme.


Paul Thomas Anderson prend son temps pour nous faire découvrir ses personnages. Ils se dévoilent au détour d'un regard, un geste ou un mot, qui vont aussi révéler leurs névroses. L'histoire est à leur image, déroutante. On ne sait pas vraiment où cela va nous mener. Le drame psychologique se dessine doucement, avec une touche de fantastique et d'humour noir. C'est subtil et tout en délicatesse, comme la conception d'une robe. C'est aussi douloureux, comme la gestation d'une oeuvre artistique, laissant son créateur dans un état de détresse profonde, au point de flirter avec la folie.


La mise en scène est élégante, à l'image du couple Daniel Day-Lewis et Vicky Krieps. C'est du travail d'orfèvre, où chaque détail à son importance. On peut aisément faire le lien entre le travail de Reynolds Woodcock, celui de Paul Thomas Anderson et de Daniel Day-Lewis. Ils ont cette exigence, à travers la recherche de la perfection, qui en font des artistes rares et précieux. C'est pour cela que chacune de leurs œuvres et performances, ne me laissent pas indifférent. Même si je n'adhère pas à toutes leurs créations, il en résulte toujours une réflexion ou une émotion particulière.

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le 22 févr. 2018

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Laurent Doe

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