Il faut d'abord mentionner la prouesse technique, car voilà un film "cousu main". L'écriture y est un délice en terme de finesse et de recherche d'esthétique. Le jeu de l'actrice principale incarne cette finesse, et m'a, je le reconnais, fascinée : comment peut-on jouer aussi bien la douceur, la délicatesse, l'excitation, la passion. la colère et la folie ? L'actrice qui joue Cyril en est un beau contre-point, entre amour pour son frère Reynolds, attachement à Alma et son rôle de gouvernante ramenant le couple infernal au réel.


Tout de même, je me suis ennuyée ferme durant la première demi-heure: qu'est-ce que ce film, avec une ambiance très "bulle bourgeoise", et qui met en scène finalement le dévouement à la perfection de la beauté féminine, à travers le regard masculin, allait m'apporter ? En quoi cela me changerait de nos folies actuelles sur la prouesse du paraître, le carcan de l'image et tutti quanti ? Et certains passage m'ont vraiment fait penser qu'on était passés dans 'Santa Barbara'.


C'est le milieu du film qui m'a réveillée, pardon, euh, qui m'a rattrapée. De ce décor patiemment déployé a d'abord émergé l'empourprement et le rire d'Alma (qui signifie "âme"en espagnol) lors de sa rencontre avec le froid et infiniment exigeant Reynolds. La musique jazz, sublime et patiente berceuse m'a aidée par sa chaleur. L'humour anglais , qui trouve là un bel écrin également.


En fait, Alma déboule dans cet univers bien rangé. Elle est d'abord, comme toutes les autres femmes, et à son tour fascinée par le phénomène Reynolds. Mais le noeud de l'intrigue c'est qu'elle finit par refuser de se couler dans le décor créé sur mesure par Reynolds lui-même pour compenser sa propre folie. Alma incarne en fait la révolte de l'âme étouffée par un décor trop rigide pour y vivre. Le couple se forme sur leur folie et passion commune, le travail au service de la beauté féminine. Sa naissance permet de respirer, d'espérer et de voir la vie émerger au sein de cette maison hantée. Reynolds trouve enfin des moments d'appaisement et de joie, de la qualité de ceux qu'il a vécu lorsque sa mère était de ce monde et qu'il n'espérait plus trouver. Qui gagnera de la vie ou du morbide ? Voilà la question universelle nouant ce drame, question sans cesse remise sur la table de nos vies d'humains , depuis notre naissance à notre sortie de scène.

UrsulaHippolyto
8
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le 28 févr. 2018

Critique lue 202 fois

UrsulaHippolyto

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