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Il y a quelques mois, la comédie Énorme jouait d'un habile champ/contrechamp lors de sa scène finale d'accouchement. C'est du décalage entre le jeu des acteurs exubérant d'un côté et le réalisme documentaire de véritables sages femmes que naissait une certaine émotion. Mundruczo joue la carte opposée dans l'ouverture de Pieces of a woman. L'accouchement doit être un bloc de temps insécable, dont la continuité du plan séquence exprime la force du lien qui unit le couple dans ce moment, qui, même s'ils ne sont plus dans la même pièce, ne sont jamais séparés par le montage (la main qui attend dans l'encadrement de la porte de la salle de bain).


Cette ouverture, au delà de la pure ambition formelle justifie l'explosion qui suit, le morcellement progressif de la cellule familiale symbolisé par le retour du montage. A ce moment là pourtant, le film devient plus faible. Mundruczo étale essentiellement une série de lieux communs plus ou moins attendus sur le deuil ou chaque membre de la famille retombe dans des travers exacerbés par le drame (drogues, renfermement...). On sent que le réalisateur a en vue une série de bonnes scènes, comme celle du dîner en famille, mais qu'il a un peu de mal à remplir les interstices.


Cela est cependant vite pardonné quand on comprend où le réalisateur veut en venir. La où nombre de films auraient joué la carte de l'effondrement misérabiliste jusqu'au bout, Pieces of a woman préfère prendre la voie du pardon, ou le véritable affrontement n'est même plus vraiment celui du deuil, mais de l'émancipation finale d'une mère ogresse envahissante (Ellen Burstyn, flippante). C'est seulement une fois ce chemin pris (le regard décidé de Vanessa Kirby arrivant au procès) que les scènes sonnent juste et que l'émotion se met à fonctionner d'un seul coup et avec grande force (la scène du labo photo). La conclusion et les derniers plans frôlent même une certaine forme de naïveté mais qui fait drôlement plaisir dans ce type de drame.


A l'image des deux précédents films de Mundruczo, Pieces of a woman n'est pas réellement à la hauteur de ses ambitions à cause de certaines maladresses qui résultent en un tout plutôt inégal, mais propose un échappatoire au drame comme on n'en voit que trop rarement. A soutenir donc.

yhi
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le 10 janv. 2021

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