Existe-il un Disney plus sombre, à l'imagerie plus noire et au déroulement plus désespéré que "Pinocchio" ?
Honnêtement, je ne pense pas.
Déjà rien que l'idée de départ constitue la base d'un film d'horreur. Une marionnette inanimée prend soudain vie sous la baguette magique d'un être mystérieux. Sérieusement, est-ce que la réaction de Gepetto est vraiment rationnelle en découvrant cette aberration ? N'aurait-il pas dû s'enfuir de la maison et partir à la recherche d'un exorciste ou s'emparer de sa hache pour défendre sa vie ?
Mais soit, c'est un conte de fées, il s'agit l'un dans l'autre d'une prémisse acceptable, où un vieillard sans enfant obtient la chance de devenir père dans ses vieux jours, de ne pas finir seul et de transmettre son savoir.
Tout irait bien dans le meilleur des mondes si Pinocchio n'était pas un porte-poisse qui allait enchaîner les mauvaises décisions et les mauvaises rencontres les unes après les autres.
Durant toute son aventure, il ne rencontre que des personnes malveillantes, cupides, violentes, et même littéralement démoniaques et monstrueuses.
Il manque d'être kidnappé et exploité sur les routes jusqu'à sa mort, d'être transformé en âne par une île démoniaque et où il aurait servit comme bête de somme, et il se fait avaler et courser par une baleine monstrueuse qui finit par le tuer.
Des premiers jours de vie difficiles s'il n'en est.
On passera aussi sur l'inutilité complète de la "conscience" de Pinocchio, Jiminy Cricket, qui ne l'aide réellement à aucun moment durant l'aventure et ne l'empêche jamais de prendre les mauvaises décisions. Je trouve qu'il ne mérite pas vraiment sa médaille à la fin...
Heureusement, tout finit par une happy end, mais au prix de combien de traumatismes ?
Comment oublier la chanson entraînante de Grand Coquin qui nous emmène avec joie et bonne humeur vers les ténèbres ? Stromboli qui menace Pinocchio en lançant sa hache dans un pantin à terre et son sourire carnassier ? Est-ce que la tête du cocher et son sourire démoniaque à la taverne ne vous rappelle pas le diable ou une de ses incarnations ? Est-ce que vous n'avez pas presque pleuré de terreur lorsque le jeune Crapule subit sa transformation et que vous voyez l'ombre de son désespoir, que vous l'entendez appeler sa mère de terreur, jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'un animal ?
Puis Monstro, sa puissance, son regard noir, ses rangées de dents, son poids imposant, sa rage et sa colère, quand il chasse. Et son dernier plongeon contre la falaise, toutes dents dehors, afin de porter le coup de grâce au pauvre Gepetto et son fils enfin réunis ?
"Pinocchio" ressemble à un long long cauchemar, très joli et très bien animé par le studio, à l'imagerie travaillée, mais à l'esthétique tellement sombre tout du long que ce n'est pas un film qu'on regarde avec un vrai plaisir et dont on garde dans nos mémoires davantage un malaise persistant qu'un souvenir ému.
On en retiendra une jolie chanson iconique pour prier devant les étoiles, et c'est tout à fait ce qu'il nous faut pour nous faire oublier le désespoir et tous les cris des enfants devenus ânes et qui ne seront jamais délivrés de leur sort abominable.