Quand la critique française regarde son nombril
Piranha 3D a été plutôt bien accueilli par certains critiques français lors de sa sortie en salles : le mérite de voir un jeune réalisateur de chez nous aux Etats-Unis s'amuser à torturer de la poitrine exubérante en bikini en adoptant un côté décalé assumé a même souvent été mis en avant. D'autant plus que finalement cette idée a été véhiculée par nombre de spectateurs. Malheureusement, ce marketing viral est bien trompeur et l'ennui arrive très (trop ?) vite.
La déception peut être difficile à expliquer, bien plus d'ailleurs que de trouver des qualités à un bon film. Difficulté de ne pas tomber dans la simple critique et l'accumulation de défauts grossiers. Aussi semble-t-il qu'il faille éviter de simplement dénigrer un film à cause de l'affichage omniprésent de jeunes américains et surtout américaines aux poitrines exposées généreusement à l'œil du spectateur. C'est un défaut, c'est vrai, mais on était prévenu et si cette surenchère peut desservir le film en certains moments, dans d'autres elle est tout à fait jouissive : la scène de massacre arrive à point nommé et les bébés poissons (puisqu'on apprend qu'il s'agit de jeunes pousses) viennent mordiller les fesses refaites de cette jeunesse qui se complait dans l'idiotie et les rites les plus primaires. Sea, sex and blood donc.
Non le plus gros défaut du film est d'éparpiller des scénettes sans raison valable et de finalement s'attarder bien trop longtemps sur des personnages principaux assez mous et auxquels on a définitivement de mal à s'attacher (c'est même complètement l'inverse en ce qui concerne Jerry O'connel, insupportable producteurs de films pour adultes) et une intrigue plate. La bande-annonce nous vend du massacre et ce n'est qu'après une heure de dure labeur à supporter des dialogues creux voire insipides et des acteurs plus ou moins convaincants qu'on a enfin droit à l'arrivée des prédateurs sur la côte d'un lac dont on pourrait croire qu'il est tantôt incroyablement vaste ou incroyablement petit.
Dès lors on est servi et ça peut même être difficilement regardable. Globalement réussie, le carnage puisque c'est de ça qu'il s'agit, montre à quel point M. Aja aime l'horreur les maquillages et le sang à outrance. Quelques moments de bravoures de la part d'un sismologue frère de John McLane ou d'un policier rétréci, ajouté à un troupeau de jeunes écervelés qui se fait déchiqueté et le contrat est rempli. Seulement, là aussi il y a un problème : les incrustations 3D de ces piranhas font de la peine à regarder et on a franchement du mal à croire à quoique ce soit, malgré, il faut l'avouer un effort certain sur les maquillages et le ressenti de panique totale de la proie acculée et sur le point de succomber.
Bilan : une vingtaine de minutes intéressante sur un film qui en compte 90. On est bien loin du trip escompté et vendu un peu partout à tort et à travers. L'accumulation de blagues bien grasses fait d'abord rire mais ensuite on se lasse et on voit une certaine redondance apparaître, ce qui est assez grave sur un film d'une si courte durée. Jusqu'à atteindre l'apogée de l'humour "sous la ceinture" avec le pénis flottant, manifestement créé pour la version 3D de la chose et dévoré par un des poissons.
Bref, on frise parfois le ridicule et on se laisse distraire par une scène au milieu d'un océan d'échecs. Le petit français a voulu s'imposer dans le territoire des grands sans finalement apporter grand chose, pas de fun mais plutôt une caricature trop grossière pour être appréciée : les stéréotypes ne font plus rire, le teen movie a fait son temps, il faut maintenant passer à autre chose. Dans l'attente de la suite Piranha 3DD, indice subtile sur le principal critère de sélection lors du casting pour le film.