Un excellent film de série B, qui s'inspire d'un livre de K. Dick.


On retrouve un univers post-apo comme on pouvait l'inventer dans les premières années de la guerre froide, un conflit idéologique bien représenté, avec un environnementalisme avant-gardiste, la figure idéaliste, l'enchaînement des faux semblants, la femme brune qui hantait l'esprit de K. Dick, des productions des hommes qui échappent au contrôle de l'humanité, qui échappent à elles-mêmes et ainsi de suite, débitant des logorrhées religieuses ou découvrant des parts d'eux même insoupçonnées.
Le film explore plusieurs degrés de conscience, de l'obéissance mécanique à l'ambition personnelle douée de sentiments en passant par le mimétisme.
On est aussi probablement face à une invitation à remettre pied à terre, avant que la poursuite effrénée du profit et que l'escalade à l'armement ne mènent le monde à s'entredétruire. Ce sont bien des préoccupations du XXème siècle mais leur structure logique résonne encore à travers les enjeux contemporains. Constater que nos productions nous échappent et que nous nous définissons encore par rapport à elles, ce décalage étant appuyé par le règne des frasques religieuses, est forcément libérateur dans une époque où l'abstrait est pris pour concret, est érigé en contrainte suprême, et part systématiquement en croisade contre la réalité quitte à la détruire. Et même les plus terre à terre peuvent participer à cette dégradation au gré des exigences supposées de la lutte. C'est l'humanité qui est ramenée brutalement au centre, de la même manière que la droite et la gauche politique, déontologistes ou conséquencialistes, finissent par voir une partie de l'autre imbriqués comme dans une relation Yin Yang.
Il y a bien-sûr l'allégorie des deux camps (mystico-commerçant versus scientifico-ouvrier) qui préfigure les enjeux environnementaux du XXIème siècle tout en préservant une certaine configuration idéologique propre au XXème, mais aussi une toujours intéressante et troublante interrogation sur ce qui fait un être humain (cette scène du "lache moi les basques" est à ce titre la plus marquante en ce qu'elle brouille la frontière avec la condition de machine). Vient naturellement la question de savoir alors si l'obéissance à des procédures prédéterminées est seulement l'apanage des machines ou si tout est en fait ici question d'humanité, au même titre que l'apprentissage et l'innovation. La réflexion est amenée de façon à mon sens plus frappante dans ce film que dans Blade Runner où la confusion homme/machine ne s'exprimait qu'en terme d'apparence extérieure et d'expression émotionnelle ou philosophique.


Dans la forme, certains personnages révèlent toute la poésie tragique et dérangeante que l'on retrouvera en 2002 dans le Ghost in the Shell numéro 2 de Mamoru Oshii. La réalisation ne semble pas extraordinaire mais le rythme est dynamique, sans remplissage (tout sert le récit et le propos), et le récit surprend par l'enchaînement des éléments perturbateurs qui va croissant. On arrive au bout du film sans grand effort ni épuisement mais avec l'évidente sensation d'une excitation intellectuelle. On passe volontiers sur les deux répliques légères pour des moments dramatiques (c'est un très bon série B, rappelons-le) et l'histoire d'amour qui tombe comme un cheveu.


Si l'adaptation est libre, elle restitue l'esprit dickien assez admirablement et présente ainsi une bonne introduction à ce cinéma.

Greenbat85
8
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le 13 mai 2021

Critique lue 25 fois

Greenbat85

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