Visite du X : suivez le gode...

Festival de Deauville, premier jour. On ouvre avec grand bruit le programme dépliant du festival, afin de se faire sa grille (son parcours du combattant), et là, "oh surprise" : "PLEASURE : interdit aux -18 ans.". Tiens, tiens... Autant dire qu'on était curieux. Et une fois sortie de la séance, premier constat : la restriction est un brin zélée, un "simple" -16 ans avec avertissement sexuel aurait suffit, pour cause : on ne voit jamais l'acte sexuel en soit, seulement les préparatifs (attention, nombreux pénis masturbés, vulve rasée en gros plan) et l'après (le sperme étalé sur le visage de la jeune fille, ou que cette dernière s'amuse à recracher lentement). Mais pas de scène "porno" comme on peut le penser (l'acte est simulé). Ce qui n'enlève rien à la puissance de ce Pleasure, étant tout de même une grande découverte des coulisses de l'industrie pornographique, avec ses variantes (torture-porn, gay-porn, à plusieurs, fétichisme, etc...). On suit donc une jeune actrice (stupéfiante Sofia Kappel) qui souhaite percer dans le monde du X, en ne reculant devant aucun sacrifice, repoussant ses limites toujours plus loin (on a le cœur qui se brise à chaque fois que la jeune fille se force à aller plus loin). Comment rester insensible à ces scènes de torture et humiliation, à ces viols (même pour de faux), à tout ce qui est suggéré ? Pleasure vous met en face d'un univers de l'ombre que l'on méconnaît, ou dont on fait des raccourcis malvenus ("ce sont des pervers, ils aiment ça, ça rapporte bien..."). On aurait simplement aimé que le film soit encore plus jusqu'au-boutiste, car il oublie bon nombre de points essentiels à aborder, à commencer par les MST (qui sont un fléau dans ce milieu), les drogues excitantes (la libido des acteurs peut souffrir vite de cette activité trop intense pour leur corps et leur mental), manque de confiance en soi, conséquences dramatiques des douches vaginales à répétition (on la voit les enchaîner, mais on ne dit jamais les atroces maladies qui surviennent souvent par la suite), et surtout le côté faussement "récréatif" de ce métier qui est un léger contre-emploi ici. Faire un personnage principal qui vient "par plaisir", préfère aller dans les tournages extrêmes pour monter en grade plutôt que de s'assurer un confort dans les scènes "classiques", accepte même de tourner gratuitement, ne contribue pas vraiment à l'image des acteurs de charme. On conforte un peu le cliché "pervers" avec cette jeune fille, sans compter que l'on romance un peu le tournage : on a du mal à croire que les techniciens et acteurs masculins soient de gros nounours patients avec la jeune actrice qui leur fera perdre du temps comme celle du film. Malgré ces manques, Pleasure a permis à Sofia Kappel (seule actrice "non professionnelle du X" du film !) de tirer son épingle du jeu, idem pour sa réalisatrice qui a jeté son pavé dans la mer de Deauville, en créant un vrai ras-de-marée (tout le monde en a parlé copieusement, well done, Ninja). Une plongée dans les coulisses du X pas parfaite, mais définitivement osée.

Aude_L
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Deauville 2021

Créée

le 14 sept. 2021

Critique lue 3K fois

11 j'aime

Aude_L

Écrit par

Critique lue 3K fois

11

D'autres avis sur Pleasure

Pleasure
micktaylor78
7

Critique de Pleasure par micktaylor78

Nous arrivant précédé d’une réputation très sulfureuse, ce premier long métrage réalisé par la suédoise Ninja Thyberg, d’après son court du même nom remarqué en 2013, et labellisé Cannes 2020, entend...

le 19 oct. 2021

45 j'aime

13

Pleasure
Alienure
7

Behind the scenes

Quelques chiffres pour introduire le sujet : Chaque seconde, 28,258 internautes sont en train de visionner du porno, et chaque seconde toujours, $3,075 sont dépensés en abonnements divers à des...

le 22 oct. 2021

25 j'aime

10

Pleasure
Val_Cancun
8

A Star is Porn

Parvenir à proposer une œuvre de fiction intéressante située dans l'univers du porno, tout en posant un regard documentaire d'une grande justesse sur ce microcosme, ça n'avait rien d'évident, et je...

le 26 août 2023

19 j'aime

2

Du même critique

The French Dispatch
Aude_L
7

Un tapis rouge démentiel

Un Wes Anderson qui reste égal à l'inventivité folle, au casting hallucinatoire et à l'esthétique (comme toujours) brillante de son auteur, mais qui, on l'avoue, restera certainement mineur dans sa...

le 29 juil. 2021

48 j'aime

Bob Marley: One Love
Aude_L
5

Pétard...mouillé.

Kingsley Ben-Adir est flamboyant dans le rôle du jeune lion Bob Marley, âme vivante (et tournoyante) de ce biopic à l'inverse ultra-sage, policé, et qui ne parle pas beaucoup de la vie du Monsieur...

le 14 févr. 2024

38 j'aime

Mad God
Aude_L
5

Doing doing doing doing...

Mad God est une expérience, et ce n'est pas parce qu'on ne l'a subjectivement pas appréciée, qu'on ne vous recommande pas de la vivre. Au mieux, vous serez subjugué par ce mélange de sadisme assumé,...

le 8 avr. 2023

35 j'aime