C'est toujours aussi barré et baroque. Comme ça enchaîne les séquences disparates c'est forcément inégal mais l'ensemble est d'une grande cohérence et d'une force indéniable. A aucun moment le manque de budget ne se fait sentir, c'est la marque d'un grand artiste que de parvenir à faire beaucoup avec peu de moyen et combler le trou dans les caisses par des trouvailles visuelles éblouissantes. Sur ce point Jodorowsky est l'héritier d'Orson Welles même si pour ce film la paternité est davantage à chercher du côté de Fellini. Autobiographie fantasmée de l'adolescence puis l'adulescence de l'immense artiste protéiforme Alejandro Jodorowsky, c'est avant tout l'histoire d'une vocation, celle d'un jeune Jodo déterminé coûte que coûte à devenir poète quitte à braver son père et à couper son arbre généalogique de manière concrète. Probablement le plus beau film réalisé sur le désir irrépressible de devenir un artiste. C'est aussi l'occasion de rencontrer une galerie impressionnante de personnages secondaires d'artistes et de freaks, certains à peine esquissés d'autres d'une grande importance, notamment sa muse Stella, elle même poétesse, plantureuse créature sensuelle et provocante à la crinière rouge qui sème le chaos partout où elle va. D'autres plus discrets sont aussi touchants : Ricardo le cousin du poète dont il est amoureux et qui finira par se pendre devant l'école d'architecture car son père voulait le forcer à être architecte alors qu'il voulait devenir artiste : double d'un jodorowsky qui aurait échoué et renoncé à sa vocation. Avec cette oeuvre d'une poésie folle l'artiste franco chilien est parvenu à faire quelque chose qu'il n'avait jamais réussi jusqu'à présent dans aucun de ses films ou de ses bd même si je un grand fan de son oeuvre cinématographique ou de ses scénarios de bande dessinée : il m'a bouleversé. La scène finale sur le ponton avec Jodorowsky jeune joué par son fils cadet et Jodorowsky vieil homme faisant ses adieux à son père (incarné par son aîné) qu'il ne reverra plus sur un ponton avant d'embarquer pour la France retrouver les poètes surréalistes est d'une puissance émotionnelle phénoménale qui m'a fait pleurer comme rarement. La musique contribué sans nul doute à faire naître l'émotion, la Bo est d'une beauté incroyable. Oeuvre à découvrir de toute urgence, c'est sans doute le film le plus accessible de Jodo tout en restant d'une très grande originalité.

thobias
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le 29 mars 2018

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thobias

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