Scène d'ouverture. Plan séquence fixe sur des étudiants en salle photocopie, tous sont en train d'enchaîner les pages, calme plat. Soudain, deux coups de feu assourdissants, effusions de sang, panique totale, cris dans tous les sens, une étudiante touchée à l'épaule, une autre touchée à l'oreille semble perdue dans la cohue. Générique. Froid, magistral et efficace.
Du coup on s'attend à un film choc et marquant comme avait pu l'être Elephant, mais malheureusement le réalisateur s'est ensuite perdu dans son propos.

Le 6 décembre 1989, un jeune homme décide de mettre fin à ses jours en servant la cause politique qui l'anime, l'anti-féministe. C'est ainsi qu'il débarque dans l'école Polytechnique de Montréal avec pour objectif d'emporter le plus de féministe dans sa mort, considérant que toutes les femmes étudiant l'ingéniérie sont des féministes.
Le sujet est de base difficile à traiter et il n'est pas aidé par le fait qu'il est le film officiel de l'événement, et donc attendu par les familles des victimes, faux pas interdit.

Pas vraiment facile de faire un sujet sur cet événement car il y a d'abord l'événement en soi, très marquant, tout ce qui l'entoure (psychologie du héros, conséquences de la tuerie, etc...), et puis aussi toute l'idéologie féministe/anti-féministe derrière, et le problème de ce film c'est justement qu'il veut aborder tous les sujets à la fois.

Il y a d'abord le traitement super maladroit de la thèse féministe, riche en cliché et en lieu commun avec cette fille qui passe un entretien pour un stage où on lui fait une remarque du genre "Dommage que vous soyiez une femme, on préfère les gens qui restent (sous-entendu par rapport à la grossesse)", déjà WTF c'est pour un stage ?! Si elle tombe enceinte pendant les 6 mois de stages c'est déjà pas de bol, mais en plus de toute façon elle pourra finir le stage... Bref, il s'en suit des dialogues digne d'une pub pour yaourt Bio entre elle et sa copine du genre "Nan mais tu t'rend compte, j'ai dû dire que j'comptais pas avoir d'enfant pour être embaûché, c'est inadmissible bla bla bla". J'ai rarement vu un truc aussi peu crédible et c'est traité avec tellement de sérieux que ça devient risible.

Ensuite il y a le traitement de la psychologie du tueur, tout juste survolée au début du film et le traitement de la tuerie en elle même qui est un gâchis total. Et si je dis gâchis c'est parce que la photographie et la mise en scène est une totale réussite, on se régale literallement de ce point de vue là et donc on s'attend à des scènes marquantes et dantesques pour montrer ce massacre et malheureusement non. Le réalisateur a dilué tout ça dans une réalisation clipesque avec une musique trop forte et le tueur qui arrive dans toutes les salles façon Terminator. Pourtant il y avait des moments bien tripants comme la scène d'ouverture, ou bien quand la scène de l'éxecution est cadrée sur les victimes, avec le passage bien prenant où l'une d'entre elle tente d'aller chercher de l'aide en titubant dans l'école désertée avant de revenir faire la morte par sûreté. Juste pour ça c'est un gros gâchis de nous avoir servi la grosse partie de la tuerie dans un clip indigeste.

Après tout ce qui est montré "autour" est aussi assez décevant. Au milieu de toute ça, le réalisateur a cru bon d'inclure un personnage masculin de bon samaritain qui brave les dangers pour secourir sa princesse, le mec halluciné et dépassé par les événements. Le problème c'est que c'est mal écrit, c'est niais au possible, ce personnage tout sauf charismatique est juste inutile. En plus de cela il y a une sorte d'épilogue super long où on nous montre les survivants en pleine séance de déprime, pas forcément utile, on peut se l'imaginer.

Bref, j'ai l'impression d'avoir taillé le film, mais au delà de ses errances dans l'écriture, il possède une photographie sublime. L'image en noir et blanc est sublime, les plans choisis sont parfaits à mon gout, quelques plans séquences par-ci, par-là, avec une mise en scène très clean. La tempête de neige en fond met en valeur le temps canadien, pour moi c'est simplement la grosse réussite du film et juste pour ça me je suis pas du tout ennuyé et le film mérite son 7, mais bon sang, quel gâchis...
adriantoine
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le 14 mai 2013

Modifiée

le 14 mai 2013

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Adrien Antoine

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