Adriatique, l'entre deux guerres.
Marco, ancien pilote de l'armée italienne, brisé par les conflits et la perte de ses amis, mène une vie paisible de chasseur de primes, volant au-dessus de l'Adriatique et terrorisant la piraterie locale. Pourquoi adopte-t'il un physique porcin ? Personne ne le sait vraiment. Il est dit que Marco est la victime d'un sortilège. Est-ce là la traduction de son refus à prendre part aux affaires de ses compatriotes et la dissimulation métaphorique de ce qu'il est véritablement en-dedans( et qu'il ne peut à deux reprise retenir) ? Cela n'a que peu d'importance, il est désormais Porco Rosso, une légende de l'aviation, caressant les cumulus avec son hydravion écarlate.
Traitant sous un angle différent un de ses sujets de prédilection qu'est la guerre, machine broyeuse de vies et née de folie des hommes, Miyazaki dresse ici le portrait moderne du ronin bourru et désabusé. Marco est une gueule comme les collaborations entre Kurosawa et Mifune sont si bien parvenues à créer : le héros romantique par excellence, à qui rien ne tient plus à cœur que sa liberté et son honneur.
Abattu par un jeune chien fou en quête de notoriété, Porco Rosso doit actionner la manette des gaz s'il souhaite accéder à la renaissance et s'extirper de son passé, au sens propre comme au figuré. Son salut viendra de sa rencontre avec la pétulante Fio, génie précoce de la mécanique qui, non contente de remettre sur pied l'épave pourpre, va revitaliser l'aviateur en perte de vitesse. Elle sera le contrepoids idéal de Marco, apportant fraîcheur et légèreté, un véritable rayon de soleil dans un horizon jusqu'à présent beaucoup trop chargé de mélancolie.
C'est bien évidemment le féminisme, un autre thème cher à l'auteur qui est ici traité. Cet amour fou que porte Miyazaki aux femmes ne me laisse clairement pas insensible, qu'il s'agisse de Gina et de Fio.
Techniquement la grande majorité du film reste sublime et demeure aujourd'hui encore une carte postale pleine de poésie. Le travail sur les animations est particulièrement soigné, qu'il s'agisse de réaliser des cascades en coucou ou tout simplement rendre sympathique une bande de malfrats penauds, maltraités par le duo détonnant. La seule petite ombre au tableau, et encore je chipote, vient selon moi de la technique d'animation retenue pour les plans de survols, dont le manque de fluidité se fait ressentir.
Côté musical on retrouve une fois de plus avec bonheur le compositeur de talent Joe Hisaishi, toujours au sommet, qu'il travaille pour Takeshi Kitano ou Ghibli. Difficile de résister aux charmes de Gina chantant le temps des cerises, de s'extirper de la mélancolie du thème de Marco et Gina ou encore de rester impassible à l'espièglerie communicative de Madness.
Il me faudrait encore beaucoup de caractère pour aborder d'autres sujets qui m'ont interpellés, allant du traitement distant mais menaçant de la montée du fascisme dans le jardin de l'Europe, la pudeur et la complexité de la relation entre Marco et Gina ou du simple clin d’œil en retour d'un studio à un zinc à qui il a emprunté son nom. Alors je me contenterais de vous inviter à le découvrir ou le re-découvrir avec vos billes écarquillées d'adultes.
Porco Rosso est beaucoup de choses, mais il est surtout un chef d'oeuvre de l'animation japonaise qui mérite une place bien au chaud dans le cœur de tous ceux qui en ont encore un.