Arrival est une réussite indéniable.
Voilà les seuls mots qui me sont venus à l'esprit en sortant de la salle, ce qui est tout de même un sacré comble quand le film pousse la réflexion sur le langage et l'apprentissage aussi loin. Mais finalement je pense que c'est ce qui lui procure ce statut particulier à mes yeux, même si bien sûr il possède énormément d'autres qualités, le fait de sortir de la salle et de ne pas pouvoir s'exprimer sur ce qui fait de lui une réussite, là est son grand succès.


En réalité me voilà 24h après le visionnage et je ne sais toujours pas comment je vais remplir cette page. Parce que j'ai vraiment envie d'y tartiner des mots et des phrases pour faire passer ce qui me travaille. Essayer de mettre ses idées en place, écrire des mots clés d'abord, tenter des phrases, puis des tournures plus compliquées, tout ça pour faire passer ce message tellement simple qui est que Arrival est une grande réussite. Mais je n'arrive pas à en parler sans tomber dans le discours bateau habituel, tu sais celui du "mise en scène incroyable, photographie magnifique, acteur au top, une histoire super belle trop bien qu'elle est super émouvante etc..." et ça m'énerve.


Alors restons simple.
Arrival possède une qualité majeure : Denis Villeneuve. Parce qu'il est la personne autour de laquelle gravite tout le reste et de ce fait tous les choix qui sont fait et retranscrits à l'écran viennent de lui.
Et le premier choix qui marque, c'est la volonté de rester coller à son personnage principal (Louise, jouée par une Amy Adams remarquable), de jouer sur sa perception et sa compréhension des évènements, comme le prouvent les nombreux plans à la longue focale, amenant une faible profondeur de champ et permettant de couper le spectateur des évènements qui se déroule autour de Banks. En procédant de la sorte, Villeneuve fait de son personnage principal, le miroir du spectateur qui regarde le film, qui donc se retrouve dans le même état de confusion au fur et à mesure de l'avancée du film (sans pour autant être totalement perdu), ce qui le plonge dans le même état de stress et de tension que peut l'être Louise et sera au centre des émotions qui la parcourent lors d'un final grandiose (non je n'ai pas peur des mots).
Il y a bien sûr la direction artistique du film, qui n'est pas sans rappeler par moment un certain 2001 l'Odyssée de l'Espace, notamment par la forme du vaisseau alien, symbole du gigantisme et de l'inconnue de par sa texture ou la façon dont il est filmé, de manière très droite, que ce soit verticale lors de l'ascension, ou horizontale lors des échanges avec les Heptapodes. Et puis il y a aussi toutes les scènes qui n'ont pas besoin de mots pour décrire leur grandeur. La première apparition du vaisseau est une claque visuelle, la première fois que l'on aperçoit cette immense vitre (seule barrière physique avec les aliens), puis les aliens eux mêmes etc...
Et au milieu de tout ça une recherche autour du cadre, présent dès l'ouverture du film sur le premier plan avec la grande baie vitrée de la maison de Louise, ou la multiplication des écrans dans les tentes militaires, puis la fameuse vitre dans le vaisseau. Chacun de ces "cadres dans le cadre" sont là pour marquer une séparation et appuyer l'incapacité de communiquer sereinement, que ce soit entre humains et aliens ou entre humains, la communication étant au centre du récit, et le faire de cette façon démontre l'ingéniosité de Villeneuve, qui ne se contente pas juste de prendre le spectacteur par la main pour lui faire comprendre son message.


"Arrival est une grande réussite".
Une phrase d'une simplicité absolu. Sujet, verbe, complément, la base même de la langue française. C'est tout le dilemme des scientifiques qui essayent d'établir ce premier contact avec les Heptapodes. Comment dialoguer avec eux sans avoir la moindre idée, ou même la moindre conception du fonctionnement de leur façon de s'exprimer ou d'écrire ? Le récit scientifique qui est fait lors de la première moitié du film est intéressant et permet de poser le problème de la communication, et des conséquences qui peuvent découler d'une mauvaise compréhension. Car au final, même si le langage est complexe, on en revient toujours à la simplicité que peut être une phrase. Et c'est toute la quête des de Louise, qui découvrira malheureusement le pouvoir que représente la compréhension d'une telle langue par la connaissance d'un futur qu'elle ne veut pas voir se réaliser mais qu'elle embrasse, envahit par une fatalité qui est plus grande que sa simple vie. L'émotion débarque sans prévenir, alors que la simplicité du discours de Villeneuve prend alors tout son sens. L'amour, le temps et les mots. Les trois grands principes qui régissent la vie de tout un chacun.


J'avais une grosse attente pour ce film parce que Villeneuve est de ces réalisateurs contemporains qui comptent et dont on attends beaucoup, et aussi parce qu'il est en charge de la suite de Blade Runner,e t que ce dernier point m'inquiète beaucoup. Au sortir de cette séance, j'avais une certitude. Arrival est une grande réussite. Ce qui est rassurant en perspective de la sortie de Blade Runner 2049.
Mais au delà de ça, Villeneuve réussit à aller plus loin. Il signe là son meilleur film incontestablement et une entrée fracassante dans la science fiction. Arrival frappe par sa simplicité et sa candeur, tout en abordant des thématiques profondes et essentielles. Et peu importe le sens dans lequel je retourne le problème et la façon dont j'aborde ce film, j'en arrive toujours à la même conclusion, simple et marquante : "Arrival n'est pas une grande réussite. Arrival est un grand film."

Strangelove
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le 28 déc. 2016

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